Trois individus (deux hommes et une femme) se retrouvent après plusieurs années chez le plus jeune des trois, un DJ déçu par le monde dans lequel il vit et qui ne sort plus de chez lui. Ecorché vif, il ne supporte plus l’activité vaine du monde extérieur, sa frénésie mercantile, et le bavassement intempestif de tous ces gens qui « mettent en route des choses ». Il n’est plus ému que par un unique morceau, « New Grass » du groupe Talk Talk, dont il admire le chanteur, Mark Hollis. Comme un écho à ce symbole d’une jeunesse désœuvrée et désabusée, les deux visiteurs incarnent l’impossible transition vers le monde adulte. Il est un écrivain ayant perdu l’inspiration, elle est une femme cherchant à se normaliser. Ils sont tous deux incapables d’intégrer un système qui ne leur est pas adapté. Faute de repères, ces trois personnages errent, en quête d’une improbable chaleur humaine. Malgré des simulacres d’effusion de sentiments, chacun est seul, face à son propre vide intérieur. Ce premier opus est suivi de deux autres situations, deux autres nuits blanches, où la solitude et l’impossible rencontre entre des individus déboussolés sont encore plus palpables.
Le langage cru, parfois agressif, de Falk Richter est porté par des comédiens très investis, à fleur de peau. En particulier, la comédienne allemande Anne Tismer -que l’on avait déjà pu apprécier dans Negerin il y a quelques semaines au National- est impressionnante de justesse dans le rôle de cette femme perdue face à cet étranger qui partage son lit depuis des années. La mise en scène (de l’auteur lui-même) est épurée : un grand lit trône au milieu d’un immense loft quasi vide, en écho aux pulsions physiques qui ne parviennent pas à combler le vide abyssal de l’existence de ces individus égarés. Lumières, musique et vidéos se combinent judicieusement pour donner une ambiance onirique, comme en dehors de la réalité, du système.
Une pièce inspirée, qui ne laisse pas indifférent… Car on y écoute le cœur des hommes « se consumer lentement ».
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