JE PENSE À YU - Rideau de Bruxelles @ XL-Théatre

Théâtre | Le Rideau

Dates
Du 22 janvier au 9 février 2013
Horaires
Tableau des horaires

Contact
http://www.rideaudebruxelles.be
contact@rideaudebruxelles.be
+32 2 737 16 00

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JE PENSE À YU - Rideau de Bruxelles @ XL-Théatre

LE VISAGE IMMENSE DU POUVOIR, ON PEUT LE REGARDER EN FACE, ON PEUT L’ÉCLABOUSSER

Création

Dans l’appartement désordonné où elle vient d’emménager, Madeleine est attirée par un entrefilet dans le journal. Le journaliste chinois Yu Dongyue est libre. Après 17 ans passés derrière les barreaux. Son crime : avoir jeté de la peinture sur le portrait de Mao, place Tian’anmen en 1989. Délaissant son travail, ses obligations, Madeleine se lance dans la reconstitution de l’histoire de Yu. Dans sa quête, elle entrâine une étudiante chinoise à qui elle donne des cours de français et un voisin énigmatique et bienveillant.

Arpenteur des écritures de la francophonie, depuis peu directeur du Théâtre du Peuple à Bussang, Vincent Goethals (Le cocu magnifique au Rideau en 2009) nous revient avec ce texte boulversant de la Québécoise Carole Fréchette.

Texte de Carole Fréchette
Mes de Vincent Goethals
Avec : Anne-Claire, Yuan Yuan Li, Philippe Vauchel

à 20h30, sauf les mercredis à 19h30 et le dimanche 3 février à 15h00

R+ RENCONTRE le mercredi 23 janvier, avec Vincent Goethals et l’équipe de création (après les spectacle)

Réservations 02 737 16 01

Le Rideau @ XL-Théatre
Rue Goffart 7a, 1050 Bruxelles

www.rideaudebruxelles.be

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4 Messages

  • JE PENSE À YU - Rideau de Bruxelles @ XL-Théatre

    Le 6 février 2013 à 08:08 par deashelle

    Madeleine hurle sa vérité au conditionnel : « S’il n’y avait pas le courage, la folie, il n’y a rien qui changerait. » Philippe Vauchel le comédien irrésistible d’humour, d’humanité, de relativisme et de compassion apparaît dans le personnage de Jérémie, le mystérieux voisin. Cela permet au spectateur d’échapper un peu à la tension hitchcockienne. Son regard lucide finit par identifier avec finesse le plaisir cynique que procure la pulsion de mort à ceux qui ont le goût du pouvoir, comparant Mao avec… son prof de math. La révolte selon lui ne peut rien changer. Bribe par bribe il a livré les secrets de son drame personnel à Madeleine. Les docteurs sont impuissants et Dieu absent. « Il n’y avait rien à faire » devant le handicap de son fils et l’abandon de sa femme en 89. Il n’y a que la sagesse de l’acceptation et la résilience. Madeleine n’en a cure, dans sa quête insatiable de vérité elle le provoquera jusqu’à la limite du supportable et lui fera bien malgré lui jeter un coup de pied homérique dans le château de cartes. Est-ce le non-sens de la Dame de Cœur de Lewis Caroll qui parle lorsque la voix féminine invisible harcèle encore Madeleine dans son cauchemar et rit aux éclats en concluant « vous êtes inutiles et ridicules » ?

    Mais la jeune Lin, née après 89 ne retournera pas en Chine. Elle apprend maintenant le conditionnel présent en français et s’adresse à la figure mythique de Yu : « Et si vous n’aviez pas lancé le peinture sur l’image de Mao… » Je ne serais pas la même, murmurent les deux femmes presque ensemble.

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Jeudi 31 janvier 2013, par Jean Campion

Est-ce que je pense à Yu ?

Pour avoir posé un geste symbolique, Yu Dongyue perdit sa jeunesse et la raison. Remuée par cette histoire, Carole Fréchette a éprouvé le besoin de la raconter, en passant par "la sensibilité de personnages qui n’ont pas vécu cette tragédie, qui la regardent de loin, la laissent vibrer en eux et en cherchent le sens." Pénétrant dans leur intimité, le spectateur, lui aussi, s’interroge sur l’impact de gestes dérisoires et sur son implication possible dans l’évolution de notre société.

Revenue déçue d’une mission dans le Grand Nord, Madeleine, une militante passionnée, traverse un passage à vide. Elle ne trouve pas le courage de monter sa bibliothèque et peste contre son boulot alimentaire de traductrice. Un jour, elle tombe sur un article consacré à la libération de Yu Dongyue. En 1989, lors des manifestations de la place Tian’anmen, ce jeune Chinois avait lancé , avec deux camarades, de la peinture sur le portrait de Mao. Condamné à 17 ans de prison, il souffre désormais de maladie mentale. Choquée par une telle injustice, Madeleine multiplie ses recherches. Elle veut absolument saisir le sens de cet acte téméraire et parallèlement remet en question ses choix et ses engagements. Qu’a-t-elle vécu durant ces 17 ans ?

Son feu intérieur s’est ravivé et la pousse à s’isoler. Pour fouiller le passé. Elle décide d’interrompre les leçons de français, qu’elle donne à Lin. Mais cette jeune Chinoise émigrée, qui la crispe par son optimisme de façade, la relance avec ténacité : elle veut réussir ses examens. Venu lui apporter un colis égaré, un voisin perturbe aussi sa retraite. Il s’appelle Jérémie, mais "ne se lamente pas". Quitté par sa femme, incapable de supporter le handicap de leur fils, il a fait front. Sans se révolter.

L’obsession de Madeleine devient contagieuse. Exaspérée par le conformisme de Lin et le stoïcisme de Jérémie, elle les assaille de questions, qui les obligent à "penser à Yu", à tenter d’estimer la valeur de son geste. Des discussions qui amènent chaque personnage à sortir de sa bulle, pour dévoiler sa fragilité. Par leur jeu sobre et précis, Philippe Vauchel et Yuanyuan Li révèlent progressivement cette face cachée. Père attentif, voisin pragmatique, Jérémie est aussi un homme profondément meurtri. Et Lin est plus lucide qu’on ne le croit. Dans la peau de Madeleine, Anne-Claire se montre successivement désabusée, curieuse, tourmentée, pugnace et vibrante. Du grand art.

Pour donner vie à ses personnages, l’auteure mêle aux dialogues, la correspondance de Lin avec sa mère, les coups de fil de Jérémie à son fils, les cahiers intimes et les lettres virtuelles de Madeleine. Cette complexité, le metteur en scène Vincent Goethals l’a remarquablement maîtrisée. En opposant les espaces de jeu et en s’appuyant sur des sons, des lumières et des projections efficaces, il rend le spectacle fluide et lui imprime un rythme soutenu. Il met aussi en valeur l’humour subtil des exercices de conjugaison sur le futur (simple au antérieur).

En observant la réalité, par le prisme déformant de la télé, nous négligeons de nous interroger sur notre responsabilité. C’est cet immobilisme ambiant que combat Carole Fréchette. Elle nous sensibilise à des personnages en plein questionnement, avec délicatesse et conviction. Sa petite musique, à la fois douce et violente, ne nous lâchera pas de sitôt.

Jean Campion

Le Rideau