J’habitais une petite maison sans grâce, j’aimais le boudin

Théâtre | Théâtre Varia

Dates
Du 26 novembre au 14 décembre 2013
Horaires
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J’habitais une petite maison sans grâce, j’aimais le boudin

Dans Spoutnik, le seul récit autobiographique qu’il ait écrit, Jean-Marie Piemme retrace son enfance jusqu’à sa vie de jeune adulte, en même temps qu’il revient sur les traces de l’usine, de Seraing et de cette Wallonie profonde qui l’ont vu naître et grandir dans la deuxième moitié du XXème siècle. De ce récit de tendresse teinté de pragmatisme, Virginie Thirion et Philippe Jeusette tirent une adaptation théâtrale où le travail, la filiation, la famille avec la figure du père en point névralgique, constituent la matière première du spectacle. L’histoire n’est aucunement l’expression d’une vision nostalgique, où le passé serait glorifié au détriment du présent, et les morts auréolés de perfection. Elle tend plutôt à raviver les émotions qui ont traversé ce passé, pour évoquer et, pourquoi pas, partager cet héritage à la fois inné et acquis, qui nous constitue au présent. Est-ce les remous de l’actualité, les cataclysmes économiques, les menaces qui pèsent sur le bassin liégeois qui font que cet homme sur scène convoque les fantômes de son passé, ou bien est-il simplement hanté par eux ? En tout cas, il remonte le cours de son histoire, de sa naissance à la perte de ses parents. La maison sans grâce, le boudin, la mère à ses fourneaux dans la cuisine, le père rentrant de l’usine, les oncles, les tantes, les Saint-Nicolas... Tout ce qu’il raconte est-il vrai ou faux ? Qu’importe. A travers ses propos, les odeurs, les images et les bruits, c’est l’évocation d’une jeunesse au « pays de l’usine » qui s’esquisse et c’est l’histoire d’un homme d’aujourd’hui qui se dessine. Avec : Philippe Jeusette, Virginie Thirion, Eric Ronsse. Spectacle à 20h00. Relâche les dimanches et lundis. Réservation : 02/640 8258 ou par mail à : reservation@varia.be Prix des places : entre 8 et 20 €. Théâtre Varia : 78, rue du Sceptre – 1050 Bruxelles. Pour plus d’informations n’oubliez pas notre site : www.varia.be et notre blog : blog.varia.be

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Mercredi 4 décembre 2013, par Thomas Dechamps

La Belgique de papa.

Un homme se souvient et retrace son enfance dans la Wallonie profonde de l’après guerre. Cet homme c’est Jean-Marie Piemme, célèbre dramaturge et écrivain belge. Dans son autobiographie, Spoutnik, il raconte avec humour sa jeunesse à Seraing, entre l’usine, la famille, l’école,… Mais c’est aussi Philippe Jeusette, qui (avec Virginie Thirion) a tiré du livre une formidable adaptation théâtrale. Épatant sur scène, il parvient à nous plonger littéralement dans les souvenirs de Jean-Marie. Une astucieuse mise en scène achève de donner du rythme à cette histoire de courage et tendresse.

Jean-Marie se souvient étonnamment bien de sa naissance. D’ailleurs, il nous la raconte lui-même. C’était en 1944 dans la cave de la maison familiale. Depuis ce jour jusqu’à la mort de ses parents, il se remémore les moments importants de sa jeunesse : sa mère constamment aux fourneaux, son quartier, Saint-Nicolas, Elvis, les seins de Gina Lollobrigida,… La figure du père, ouvrier bourru mais affectueux, hante particulièrement cette succession de souvenirs plus ou moins heureux.

L’histoire nous replonge aussi dans une époque, celle de la région liégeoise des années soixante. C’est le temps des aciéries encore vaillantes et de la toute puissante société Cockerill, quand on tuait le cochon pour faire du boudin et que la conquête spatiale faisait encore rêver. Le récit ne sombre jamais pour autant dans la chronique d’un passé belgo-belge. À travers cette tranche de vie au « pays de l’usine », c’est avant tout une histoire universelle d’enfance qui nous est contée.

La grande réussite de Philippe Jeusette et de Virginie Thirion c’est d’avoir su donner corps à ce monologue en multipliant les personnages et les ambiances. La mise en scène très habile permet de passer facilement de la cuisine familiale à la rue, en passant par le pavillon du Spoutnik lors de l’exposition universelle de Bruxelles. Le texte s’appuie sur des images, des vieilles photos et des vidéos de famille, pour donner plus de consistance à l’enfance de Jean-Marie.

La pièce repose ouvertement sur la performance de Philippe Jeusette. Son interprétation sensible et chaleureuse sonne toujours juste et rend chacun de ses personnages irrésistiblement attachant, à tel point qu’on a le cœur serré chaque fois qu’il arrive malheur à l’un d’entre eux. Les interventions de Virginie Thirion et Eric Ronsse, plus discrètes, amènent des respirations et servent admirablement l’ensemble. Les talents de musicien d’Eric Ronsse contribuent d’ailleurs beaucoup à l’atmosphère de certaines scènes. Cette petite touche de musique « live » permet quelques intermèdes plus que bienvenus, que ce soit entre les scènes ou lors des moments chantés par les comédiens (il faut entendre Philippe Jeusette chanter du Elvis).

« J’habitais une maison sans grâce… » est un spectacle à la fois drôle et poignant. Philippe Jeusette prend manifestement beaucoup de plaisir à interpréter l’histoire touchante de Jean-Marie Piemme. Et le plaisir est partagé.

Thomas Dechamps

J’habitais dans une maison sans grâce, j’aimais le boudin

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