À sa sortie de la classe d’André Debaar au Conservatoire de Bruxelles en 1991 elle brillait déjà par son talent. Aujourd’hui, avec la maturité en plus, Isabelle nous propose un éventail de rôles tant à la scène, que sur le petit et le grand écran. Ce qui l’anime : la diversité. Ce qui la fascine : les découvertes permanentes. Ce qu’elle recherche : un sens plus profond.
Alors que bon nombre de comédiens et comédiennes restent souvent attachés à 1 ou 2 théâtres et parfois à 1 ou 2 metteurs en scène, tu as été dirigée par de nombreux metteurs en scène [1] et tu as joué un peu partout. Quel serait ton ou tes meilleurs souvenirs ?
J’ai beaucoup de bons souvenirs ! Ce qu’on est en train de faire maintenant [2] est un énorme plaisir parce qu’il y a une rencontre avec le texte qui est fantastique, une rencontre avec des artistes extrêmement différents et une rencontre aussi dans la démarche de comment on crée un spectacle. Quand tout cela est réuni et qu’en plus ça a l’air de plaire au public, forcément ça fait un beau souvenir.
Je suis évidemment ravie de ma rencontre avec Brine .
Cet homme de 70 ans est animé par tout ce qu’il fait. J’étais très heureuse qu’il arrive dans ma vie artistique pour plusieurs raisons : parce que c’est un homme acharné au travail et curieux dans tous les domaines et qu’il m’a montré à quel point la recherche était vaste Chaque fois que je travaille avec lui, j’ai cette idée de l’infinie possibilité. Tout est possible avec lui. Tout. Vraiment !
Georges (Lini) aussi. Évidemment ! Parce qu’il est complètement habité. Parce qu’il n’a jamais fini. Le théâtre est un art vivant, puisque c’est un art en construction, que ça change tous les jours… Vraiment ! Et forcément les artistes qui changent ou évoluent.
Justement, tu es quelqu’un qu’on ne peut pas ranger dans une case.
Peut-être parce que je n’aime pas l’idée. Dès qu’on me range dans une case, je fais tout pour en sortir.
Ça veut dire que tu refuses des rôles.
Ça m’est arrivé.
Tu as accepté un rôle dans le feuilleton Télé 7e Ciel Belgique, où tu annonces à ta mère Annemie que tu vas te marier avec ta colocataire. Comme des questions se rapportant à ce rôle inhabituel ont déjà fait l’objet d’une interview, l’année passée, je laisse le lecteur avide d’en savoir plus, cliquer sur ce lien : Outre une grosse faute (Georges Lenny pour Lini lorsqu’on parle de tes projets !) cet article répond à d’autres questions te concernant.
Oui c’est très bien ; pour ces scènes, on n’avait que 2 journées de tournage. Là, on a refait toute une saison de 12 épisodes, donc on est un peu plus loin dans le travail.
À suivre donc l’évolution de ce personnage à partir de septembre sur « La Une » ! Mais aujourd’hui l’actualité se passe au Poche où l’on reprend LA CUISINE D’ELVIS , ce grand bonheur, comme tu dis ! Y a-t-il des changements dans la mise en scène ? Je suppose que le public ne traverse plus la cuisine pour aller s’installer…
On ne rentre pas par la cuisine et donc il est vrai qu’il y a ce rapport avec le public qui va changer un peu, mais je ne pense pas que ce soit négatif. Ça nous demande d’élargir un peu le jeu. Il y a aussi un changement puisque Laure Voglaire reprend le rôle de Jill [3], ce qui fait qu’on a répété un peu plus. Cela nous a aussi permis de descendre les personnages plus profondément en nous. Laure est vraiment formidable, elle a une belle énergie de travail. Il n’y a pas de doute, elle va droit au sujet. Dès la première lecture, on s’est énormément amusé à retrouver ce texte magnifique. Il y a quelque chose de génial dans l’écriture de cette pièce : Lee Hall mélange la tragédie la plus profonde à l’inattendu, l’espoir de l’amour dans une situation atroce avec la gaîté, la légèreté, l’insouciance. Et au-delà de tout cela, il y a un sens plus profond - en tout cas pour moi - de ce que nous recherchons en tant qu’êtres humains, de ce que nous essayons d’approcher, d’atteindre ou d’oublier…
J’imagine que vous avez tous un petit pincement de cœur en pensant à l’avenir incertain du ZUT ? Quel est ton regard à ce sujet ?
Je suis assez impressionnée par la force de cette équipe et par sa ténacité. J’ai beaucoup d’espoirs quant à la finalité de ce débat parce que je pense qu’il est légitime, vital et essentiel. Pour rester en mouvement, pour rester des artistes vivants et créateurs. Notre génération d’artistes a besoin de sens, elle a besoin de poser ses propres actes, de se reconnaître dans des projets qui lui correspondent. Quelle est la place dans nos théâtres pour la jeune création aujourd’hui ? Comment donner la parole à notre génération ? Comment et qui nous donnera la possibilité de laisser notre trace.
Quel est le meilleur conseil qu’on t’ait donné ?
Je pense que la personne qui m’a donné la vraie liberté, c’est Brine. Tous les jours, il vient avec des phrases qui me restent. Un jour, je me suis dit « Il faudra que je note ces trucs-là ». Il m’a donné la liberté d’être qui je suis pleinement sur un plateau, pas quelqu’un d’autre, de ne pas rêver d’être ce que je ne suis pas. Il m’a apporté de reconnaître et aimer ce que je suis.
Est-ce qu’il y a des rôles que tu aimerais jouer ?
Non, pas vraiment. Je veux dire des choses, rencontrer des gens, et que ces rencontres nous fassent trembler, nous fassent avancer, nous donnent la joie, nous fassent reconnaître ce dont nous avons fondamentalement besoin.
Tu as pas mal joué à Villers-la-Ville pour DEL DIFFUSION, tu as été la Wendy pour Peter Pan, l’Ophélie pour Hamlet, un rôle dans Saint-François, dans Dom Juan, la Cosette et Fantine des Misérables, est-ce très différent de jouer en plein air ?
Si l’on compare le ZUT, les Galeries et le Rideau avec Villers-la Ville, il y a d’abord une différence d’espace, donc de rapport avec le public. Villers-la-Ville nous demande une énorme énergie : c’est très sportif ! C’est une grande aventure qui dure 2 mois ½ de travail en équipe. Dehors tout l’été à jouer pour 1000 personnes c’est une aventure assez inouïe. J’en garde de très bons souvenirs, mais il faut avouer que je suis de plus en plus attirée par des textes intimistes : ça me permet d’aborder des choses qui me conviennent plus pour le moment. Pour en revenir aux différences de jeu, il faut savoir que pour jouer à Villers-la-Ville ou pour le cinéma par exemple, ce sont des codes très différents : il faut chaque fois trouver des codes de jeu autres. Et ça aussi, c’est passionnant : par exemple dans l’aventure de 7ème Ciel ou alors dans ce que je viens de tourner - Formidable , le dernier long de Dominique Standaert - je suis aussi dans cet apprentissage des nouveaux codes de jeu face caméra. La nature est la même, mais la manière de transmettre change comment faire passer telle ou telle émotion ? Comment trouver le moyen de toucher ?
Pour Pinocchio, toujours à Villers, tu as assisté Bruno Bulté à la mise en scène. Encore une autre expérience…
Il y avait de nouveau beaucoup à apprendre, à voir… et je me suis retrouvée de l’autre côté, comme lorsque j’ai assisté Stéphane Vuillet pour l’organisation du casting de son long-métrage : 25° En Hiver .
Je trouve fabuleux de voir comment on choisit quelqu’un, comment on le fait travailler. C’est passionnant de voir la personne se transformer.
Et ça te tenterait de faire de la mise en scène ?
J’y pense… je commence un dossier…
Merci pour ce témoignage, Isabelle. J’espère que tu continueras encore longtemps à nous émouvoir et à nous surprendre.
Interview : Nadine Pochez
Photos Nadine Pochez et Sophie Penelle
Actuellement
du 15 au 22 mai et du 26 mai au 2 juin 2007 au Théâtre de Poche reprise de La Cuisine d’Elvis de Lee Hall, créé au ZUT l’an dernier. Plusieurs nominations et prix de la meilleure mise en scène aux Prix du Théâtre 2006
Saison 2007-2008 :
Automne 2007 aux Riches Claires : Une Sœur de Trop de Sophie Landresse, m.e.s. Georges Lini
Février 2008 au Rideau de Bruxelles : L’Heure Verticale de David Hare m.e.s. Adrian Brine