Le plateau est nu, seuls une batterie et un ordinateur s’appuient contre le mur côté cour. Le silence s’efface devant quelques notes de musique tandis qu’une colonne de fumigène s’échappe du plafond. Un brouillard se forme à mi-hauteur de la scène. Son corps déambule, la tête perdue dans le nuage. « Je peux apparaître, où je veux, comme ça d’un claquement de doigts. Je peux disparaître quand je veux, de la même façon, et ne jamais revenir, comme ça d’un claquement de doigts ».
Émilie, Raymonde, Geneviève, 37 ans, promet une décharge de réel intense qui se traduit immédiatement par le déchaînement de la batterie sous les baguettes de Boris Gronemberger. Elle envisage de quitter son corps, de disparaître pour exister, disparaître pour qu’on parle d’elle, à l’imparfait, mais qu’on parle d’elle. Elle est prête à tout quitter pour devenir l’héroïne de son propre « drame contemporain », pour devenir l’héroïne du roman des autres, pour occuper deux secondes leurs pensées et être le centre de monde.
Cette disparition lui permettrait également d’oublier de quoi elle est faite. Elle retire son gilet en forme de cage et décroche le cœur qui y était enfermé, le contemple tandis que le batteur se métamorphose en guitariste-chanteur et entame sa ritournelle : « j’t’en ai fait voir mon cœur »... La comédienne s’enfonce en elle-même pour tenter de se retrouver, après le cœur, ce sont les intestins avant d’en venir aux mains avec son foie. Les organes, fussent-ils vitaux, sont maltraités et elle encaisse les coups qui leur sont donnés.
Soulignons le travail remarquable de la plasticienne Elodie Antoine qui a façonné ces organes qui plus que de simples objets décoratifs sont de véritables personnages, triturés, manipulés, incarnant chacun une partie de la personnalité d’Élodie, Raymonde, Geneviève. A cela s’ajoute le travail sur la lumière et l’espace réalisé par Giacomo Gorini ainsi que le texte de Marie Henri.
Mais en dépit de ces éléments, la plongée dans les entrailles a perdu la cohérence qui présidait à l’introspection du début pour s’éteindre dans le chaos. Emilie Maquest nous perd lorsqu’elle entame son périple organique égotique. Ça part dans tous les sens et la quête d’identité de cette femme qui cherche à renaître se révèle, au final, un tantinet nébuleuse.
Didier Béclard
« How to disappear » d’Emilie Maquest jusqu’au 8 octobre 2022, au Studio Varia (anciennement le Petit Varia) à Bruxelles, 02/640.35.50, www.varia.be.