Cela fait bientôt cinq mois qu’un silence pesant règne dans les théâtres. Plus de brouhaha, plus de rires, plus d’applaudissements et personne ne sait, à l’heure actuelle, combien de temps cela va encore durer. Mais comme la nature, la culture a horreur du vide (encore que pas toujours vrai mais c’est une autre histoire...).
Dans les prémisses de la phase de déconfinement, le 19 mai dernier, les musées ont été autorisés à ré-ouvrir, dans le respect de certaines règles sanitaires, bien sûr. A ce moment, une idée a germé dans la tête d’Albert Maizel, président du Théâtre de la Toison d’Or (TTO) : pourquoi ne pas transformer les infrastructures du théâtre en musée temporaire ? Et pour le TTO, le biais de l’humour et de la comédie s’est imposée comme une évidence.
Le théâtre a ainsi mis à profit ses espaces, et une partie de son personnel artistique et technique tout marri de l’arrêt brutal de ses activités, pour créer le « HaHaHa Expérience Museum ». Le parcours qui dure un peu plus d’une heure, s’effectue par groupe de dix personnes (masquées) maximum, sous la houlette d’une guide comédienne, charmante et enthousiaste. Chaque étape du circuit explore de manière ludique et didactique, sous la forme d’une capsule vidéo (avec des personnages interprétés par Laurence Bibot, Nathalie Uffner, June Owens, Odile Matthieu, Antoine Guillaume, Pierre Pigeolet, Ariane Rousseau, Achille Ridolfi, Marie-Paule Kumps, Zidani, Aurelio Mergola ou Julie Duroisin), les coulisses du fonctionnement du théâtre, de l’idée d’un spectacle aux applaudissements (ou huées) du public après la dernière scène.
De station en station, le visiteur découvre les différentes phases du processus de création d’un spectacle et les corps de métiers qui interviennent dans la réalisation d’une pièce de théâtre. De la direction du théâtre on passe à la billetterie avant d’aborder les affres de l’écriture avec les auteurs ou les angoisses des comédiens lors des répétitions ou dans les loges avec une halte sur la création des costumes et des lumières. On évoque également les acteurs dramatiques, dans les catacombes, le lieu où végètent ces acteurs qui « n’ont pas voulu entrer dans le rire et ont préféré rester dans le drame ».
La rencontre, par caméra interposée, avec les directeurs et codirecteurs du théâtre resitue l’histoire du TTO qui souffle cette année ses 25 premières bougies. Installé dans les locaux de l’ancien cinéma Clichy situé dans la Galerie de la Toison d’or et qui était désaffecté, le théâtre a pris le parti, dès sa naissance, de se consacrer à l’humour sous toutes ses formes, un genre quasi absent (si on excepte peut-être le théâtre de boulevard) des théâtres belges à l’époque. Né atypique, le TTO n’est pas vraiment rentré dans le rang avec le temps, et ne s’est jamais privé de bousculer les codes et étiquettes du milieu théâtral. Ce qui ne l’empêche pas de faire figure pionnier dans certains domaines. Ainsi, c’est sur le plateau de sa grande salle qu’ont été créé les premiers spectacles traitant du genre, les spectacles queer (pour les non initiés, Wikipédia nous explique que « Queer est un mot anglais utilisé pour désigner l’ensemble des minorités sexuelles et de genres : personnes ayant une sexualité ou une identité de genre différentes à l’hétérosexualité ou la cisidentité »).
La visite du « HaHaHa Expérience Museum » parlera peut-être plus aux habitués des lieux mais elle n’en est pas moins amusante et instructive. En sortant, vous pourrez faire la distinction entre côté cour et côté jardin et « l’œil du Prince » n’aura plus de secret pour vous. Au demeurant, on ne peut que saluer cette initiative qui permet d’aborder le théâtre sous un autre angle tout en l’extirpant de la torpeur estivale encore accentuée, cette année, par les aléas de la crise sanitaire.
Didier Béclard
« HaHaHa Expérience Museum », jusqu’au 30 août 2020, du jeudi au dimanche, de 14h à 18h, au TTO à Bruxelles. Réservations en ligne sur www.ttotheatre.be.