Clair obscur. Le profil d’un héros émerge. Du haut d’une muraille quasi infranchissable, il guette, inquiet de son devenir. Soudain, sa silhouette se montre timidement. Commence alors une succession de prouesses vertigineuses et acrobatiques. Son corps se glisse le long de la paroi et atterrit brusquement au sein d’une étroite structure. Enfermé entre ces murs, le comédien et danseur Eric Domeneghetty se métamorphose en héros d’un soir. Seul sur scène, il nous offre une performance corporelle entre danse et expression théâtrale et interprète avec décalage et démesure un paradoxe abyssal entre être et paraître, entre la fatalité de son existence et la volonté de son devenir. Sa gestuelle se heurte aux injonctions tutorielles d’une voix off le rendant rigide, répétitif, tel un disque rayé. Le combat entre sa volonté et son corps débute et effraie, donnant un spectacle d’émancipation refusant à être contenu dans un rôle qui lui échappe.
Il faut être absolument et nécessairement immergé dans le monde pour se représenter soi comme sujet et objet. Seul le corps autorise cette immersion. Il a la capacité de contrarier le vouloir mais lorsque le vouloir triomphe et domine, le corps n’est peut être rien d’autre pour lui qu’un simple instrument. De tableaux en tableaux, le corps du héros n’agit plus et s’épuise peu à peu pour sombrer dans une inexistence fatale. L’expérience du corps prend fin, sans transcendance. Le surhomme n’est plus qu’un homme banal conscient de sa condition. La fuite semble être sa seule issue…
La mise en scène, assez spectaculaire et alternative, offre un agencement et une perspective très cinématographique. Chorégraphie, créations sonores, projections et jeux de lumières prennent naissance au sein des parois qui délimitent le jeu et accompagnent toute la démence effrénée du héros. Les différents tableaux sont emprunts d’humour, de drame, de fantastique et d’absurde, dans une atmosphère cartoon. La narration est éminemment corporelle. Cette immersion totale du corps nous raconte l’histoire empirique, sensible, de son personnage fictif. Le jeu, fluide et percutant laisse place à l’imaginaire du spectateur et le transpose dans une dimension spatiale.
HERO% nous livre une réflexion sur le devenir de nos héros actuels, sur leur nécessité, ainsi que sur la naïveté de leur devenir, une remise en question de leur utilité. C’est une expérience de la corporéité qui ne laisse pas le spectateur indemne, car il repousse constamment le devenir et ne limite pas le corps au soi.