Funérailles d’hiver

Saint-Gilles | Théâtre | Le Rideau

Dates
Du 8 au 23 janvier 2019
Horaires
Tableau des horaires
Rideau de Bruxelles @ Centre culturel Jacques Franck
Chaussée de Waterloo, 94 1060 Saint-Gilles
Contact
http://www.rideaudebruxelles.be
contact@rideaudebruxelles.be
+32 2 737 16 00

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Funérailles d’hiver

Une nuit d’hiver, un vieux garçon perd sa maman. Pour ne pas être seul à la porter en terre, il frappe à la porte de sa cousine. Mais la cousine n’est pas du tout décidée à recevoir une si triste nouvelle. C’est que le lendemain, elle marie sa fille. 400 invités attendus.
800 poulets commandés. Retarder le mariage pour enterrer la vieille ? Plutôt crever !
Course poursuite délirante défiant les lois de la physique [chez Levin, une noce traquée peut s’envoler jusqu’au sommet de l’Himalaya], Funérailles d’hiver réinvente la grande tradition du vaudeville, chansons idiotes incluses.
Redoutable machine à jouer, Levin y dépeint la fuite en avant d’une société vouée au culte de la jeunesse et du consumérisme débridé. Une société construite sur la négation du déclin, de la maladie, de la mort, qui sont pourtant notre lot commun.

MICHAEL DELAUNOY

Distribution

HANOKH LEVIN (écriture) / MICHAEL DELAUNOY (mise en scène) / Avec Frank Arnaudon, Pierre Aucaigne, Robert Bouvier, Jeanne Dailler, Fabian Dorsimont, Muriel Legrand, Lee Maddeford, Laurence Maître, Frank Michaux, Thierry Romanens, Catherine Salée et Philippe Vauchel.

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3 Messages

  • Funérailles d’hiver

    Le 17 janvier 2019 à 12:42 par C. ThéO

    Une tribu de 12 comédien.nes joyeusement exhubérant.e.s, entre des funérailles solitaires vs. une noce obsessionnelle, une délirante basse-cour en mode querelle, prise de becs, voler dans les plumes...
    Plus de 7.000 secondes sans entracte, et le temps file>défile en chantant, en dansant, joyeusement triste, tristement joyeux, de la spiritualité givrée aux agrumes... des rires, des applaudissements, un public bien présent, conquis>acquis.
    Le ’Rideau’ (et toute les intervenants ’ici’) nous livre une fois de plus une ’pièce montée’ parfaitement maîtrisée : aucun temps mort, tout est raccord, de la m.e.s. haut décor mobile>agile, des teintes, matières lourdes légères, chaudes froides. De l’éclairage aux effets sonores, nous sommes entraînés entre la mort et la pelle de la vie.
    Une scénographie éclatéeéclatante pour des comédien.nes qui s’éclatent sur des rythmes avec de nombreuses références dont Tim Burton... Le personnage d’Angel Samuelov est délicieusement macabre, irrésistible.
    A voir au min. une fois !!!

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Dimanche 13 janvier 2019, par Jean Campion

La Noce ou la fosse ?

Pour critiquer notre société très matérialiste, où l’on se préoccupe essentiellement d’engraisser, Hanokh Levin ridiculise souvent des personnages "fiers de leur gros popotin". Mais il ne s’en désolidarise pas. "Ils sont tous au raz des pâquerettes et lui, il est avec eux, semblant dire : l’homme est petit et c’est ce que j’aime." (Laurence Sendrowicz,traductrice). Dans "Funérailles d’hiver", il pousse la caricature à l’extrême, en s’attaquant avec un humour corrosif à une humanité mesquine, prête à toutes les bassesses, pour préserver ses intérêts. Mais curieusement ces personnages égoïstes, veules, sournois nous apparaissent comme des petites gens, désarmés devant la vie. Nous devrions les haïr et leur naïveté nous amuse et nous émeut.

Au chevet de sa mère agonisante, Latchek Bobitshek tente de dresser un bilan de son existence : "Ta mort, maman, est la mort de quelqu’un qui, indubitablement, a vécu ici-bas, et qui indubitablement n’y est plus." Comme pour s’excuser de ces vaines paroles, il lui promet un bel enterrement. Même si sa cousine Shratzia doit reporter le mariage de sa fille, prévu pour demain, elle y assistera avec toutes sa famille ! Quand elle entend frapper à sa porte, à deux heures du matin, celle-ci mesure d’emblée la gravité de la situation : la tante morte... 400 invités à prévenir... 800 poulets rôtis à la poubelle. Plutôt crever ! Avec détermination, elle persuade son mari de ne pas ouvrir la porte. Les sarcasmes de Tsitskéva, la future belle-mère pleine de mépris, la font bouillir. Une seule solution : fuir pour ne pas entendre la sinistre nouvelle.

Lancés dans une course-poursuite délirante, les futurs mariés et leurs parents font des rencontres surprenantes. Sur une plage battue par le vent, deux joggeurs vantent les mérites de leur sport, qui leur garantit un sursis de dix ans. Shahmandrina, un ascète bouddhiste, a pris racine, depuis quarante ans, au sommet de l’Himalaya. Rendus agressifs par la faim, les fuyards malmènent cette incarnation de la spiritualité pure. A bout de souffle, les deux pères sont largués et pris en charge par Angel Samuelov. Cet ange de la mort les aide à passer de la vie au trépas, en les convainquant que l’âme s’échappe du corps. Comme un pet.

Leur disparition passe totalement inaperçue. Ces hommes ne font pas le poids. L’un prétendait avoir réussi dans la vie : ’"J’ai fondé une famille, acheté un appartement et organisé le mariage de ma fille." L’autre apparaissait comme le champion de la plaisanterie qui tombe à plat. Tiraillé entre sa promesse à sa mère, le soutien d’un professeur bizarre et les manipulations de sa cousine, Bobitshek subit les événements. Les mères, par contre, manifestent une pugnacité inébranlable. Intuitive, machiavélique, Shratzia mène le jeu, avec une hargne stimulée par les railleries de Tsitskéva. L’une se bat comme une lionne pour sauver le mariage, l’autre crache son fiel pour défendre son clan. Toutes deux écrasent leurs enfants, manipulés comme des pantins. Pour remporter une victoire dérisoire : "Oh, comme il est bête et fade votre amour, quand on pense au mal qu’on s’est donné, à la souffrance que nous a coûtée votre mariage." constate Tsitskéva.

En faisant s’affronter des personnages âpres, au langage brutal, parfois grossier, Levin nous entraîne dans une fable cruellement joyeuse. Avec une ironie mordante, il y dénonce l’individualisme forcené, le repli sur les biens matériels, le culte du jeunisme, le refus du deuil et la peur de la mort. Lancée par une chanson grinçante sur la vanité de l’existence, la farce adopte un rythme endiablé, mais après la cavalcade, l’intrigue s’essouffle. Un fléchissement combattu efficacement par la vitalité des acteurs et la souplesse de la mise en scène. S’inspirant du cabaret cher à Levin, Michael Delaunoy a invité sa troupe à utiliser les "moyens du bord". Pas de décors encombrants, mais quelques éléments faisant appel à l’imaginaire des spectateurs et au talent des comédiens. Débordant d’énergie, certains personnages dominent les échanges percutants. Cependant en chantant et en se servant d’instruments parfois inattendus, ils laissent percer leur fragilité. Hanokh Levin aime l’homme, parce qu’il est petit.

Jean Campion

Le Rideau