Frères ennemis

Bruxelles | Théâtre | Théâtre des Martyrs

Dates
Du 8 au 30 novembre 2018
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre des Martyrs
Place des Martyrs, 22 1000 Bruxelles
Contact
http://www.theatre-martyrs.be
billetterie@theatre-martyrs.be
+32 2 223 32 08

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Frères ennemis

Première tragédie écrite de Jean Racine alors âgé de 24 ans, Frères ennemis (ou La Thébaïde) fut jouée en 1664 au Palais- Royal par la troupe de Molière. Il situe l’intrigue à Thèbes, ville ravagée par la rivalité d’Etéocle et Polynice. Selon la volonté de leur père, Œdipe, les deux frères doivent se partager le trône et régner un an à tour de rôle. Soutenu par Créon, son oncle, Étéocle refuse de transmettre le pouvoir à son frère. Dans la ville assiégée depuis six mois par les troupes de Polynice, Jocaste et Antigone espèrent ramener la paix et réconcilier les frères. Une rencontre est organisée, un cessez-le-feu instauré. Rien n’y fera et cette famille sera décimée par la haine.
Ces deux frères irréconciliables incarnent les conflits qui, aujourd’hui encore, ne cessent de ronger les êtres, les sociétés et les nations. Ils disent les ravages de l’orgueil et de l’obsession du pouvoir. Ils sont à l’extérieur et à l’intérieur de nos frontières géographiques et mentales. Ils sont nos contemporains.

Au travers d’un scénario haletant, riche en rebondissements dignes de la série Game of thrones, Racine, dans la belle animalité et fiévreuse sensualité de son écriture nous ramène à cette question cruciale : la haine, qu’elle soit d’origine familiale, politique ou religieuse, est-elle une fin ou un moyen, un prétexte ou une fatalité ?

Distribution

Cédric Cerbara ; Stéphane Ledune ; Julie Lenain ; Romain Mathelart ; Sylvie Perederejew ; Hélène Theunissen ; Laurent Tisseyre ; Aurélien Vandenbeyvanghe

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4 Messages

  • Frères ennemis

    Le 12 novembre 2018 à 10:33 par loulou

    C’est toujours un plaisir de (re)découvrir la langue de Racine avec des comédiens qui la mettent en valeur et dans une mise en scène moderne mais adéquate.
    Une mention spéciale pour H.Theunissen qui malgré sa laryngite est parvenue à faire passer ce très beau texte,étant même obligée à certains moments de le murmurer.
    Pour apprécier pleinement ce spectacle,il vaut mieux attendre le rétablissement de la comédienne mais je tiens à signaler que malgré cet handicap j’ai passé une excellente soirée.

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  • Frères ennemis

    Le 13 novembre 2018 à 10:19 par vleminck dominique

    Je salue la performance de tous les acteurs et le courage de H Theunissen qui est parvenue à jouer malgré sa laryngite !
    Très bonne mise en scène et un vrai plaisir d’écouter un Racine’ modernisé ’ !

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  • Frères ennemis

    Le 14 novembre 2018 à 16:04 par soniaLUX

    Belle mise en scène contemporaine pour un texte traditionnel. Un seul hic, nous étions dans le fond de la salle et ce n’était pas très audible. Je ne parle pas de la commediene malade qui a fait d’énormes efforts mais des autres. Dommage

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  • Frères ennemis

    Le 15 novembre 2018 à 22:46 par blabla

    Du flou au départ... Pourquoi ne peut -on pas rentrer dans les salles ? Pourquoi le spectacle ne commence-t-il pas à l’heure ? Finalement, malgré la maladie d’Hélène Theunissen, le spectacle commence. A ce propos, le théâtre a eu une réacton très professionnellle en proposant de revenir voir la pièce une fois la comédienne rétablie. Une mise en scène très contemporaine pour un texte ancien...c’est au départ un peu déroutant. Même si on n’est plus habitués à écouter des pièces en vers, on finit par se laisser bercer par le rythme de la langue. Une belle occasion de se replonger dans ses classiques.

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Jeudi 22 novembre 2018, par Dominique-hélène Lemaire

Genre les vertus de la réconciliation

...bafouées

Première pièce de Jean Racine représentée et publiée en 1664, il a alors 24 ans et marche contre la guerre. Dans son introduction, Racine écrit : « La catastrophe de ma pièce est peut-être un peu trop sanglante. En effet, il n’y paraît presque pas un acteur qui ne meure à la fin. Mais aussi c’est la Thébaïde, c’est-à-dire le sujet le plus tragique de l’antiquité. »

Il explique aussi que l’amour, qui d’ordinaire prend tant de place dans les tragédies, n’en a que très peu dans la sienne et touche plutôt des personnages secondaires. Ce qui l’occupe c’est bien la haine viscérale profonde que se vouent les deux frères ennemis, Etéocle et Polynice condamnés par un destin implacable, à s’entre-tuer.

« De tous les criminels, vous serez les plus grands –Silence– »

Cédric Dorier, le metteur en scène ne ménage pas son public. Point de toges antiques, de gracieuses couronnes, de colonnades dorées par le soleil au milieu de champs couvert de coquelicots rappelant pourtant le sang des Atrides sous l’immensité bleue d’un ciel d’Attique… Non, nous sommes conviés aux premières loges d’un huis-clos dont les couleurs glauques sont habitées par l’esprit de 1984, Ninety-eighty Four, la tragédie humaine la plus noire que l’on puisse lire, inventée par George Orwell en 1948. Et dont, jour après jour nous voyons les sombres prédictions se réaliser. Tout autour de ce QG militaire, où règne encore le bon sens de la très attachante Jocaste, on perçoit les bruits du monde dominés par la guerre. A chaque ligne du texte, Jocaste, aidée d’Antigone se dépense corps et âme pour sauver la paix avec une volonté farouche et un instinct de vie incandescent. Saurons-nous écouter ses prières et ses imprécations ? Le texte est envoûtant. Le rythme en alexandrins est un berceau où le verbe fait tout pour sauver du glissement vers les Enfers. Le verbe peut-il sauver ? Les mots feront-ils la différence ? Les femmes, en évoquant l’amour et l’innocence, réussiront-elles à inverser le sort, à juguler la trinité de mal représentée pat Créon, Etéocle et Polynice, tous habités par la haine et la vengeance ?

Le duo des frères ennemis est incarné par Romain Mathelart et Cédric Cerbara qui jouent la mise à mort comme des gladiateurs de théâtre romain, tant dans le verbe et le discours que dans l’affrontement physique. Une scène totalement inoubliable, surtout pour le public scolaire invité. Julie Lenain, en Antigone, Sylvie Perederejew en Olympe, complètent agréablement le trio du Bien et de la lumière.

La soif de puissance de Créon, doublée d’immense fourberie et de manipulation machiavélique est chez Racine effrénée et absolument abominable. Elle dénonce le totalitarisme rampant de nos sociétés. Brillant comédien, Stéphane Ledune met la puissance d’évocation à son comble. L’orgueil du personnage est un sommet rarement atteint. Même au bord de son dernier geste fatal, Créon menace encore ! Que n’écoutons-nous la sagesse grecque antique, pour qui l’hubris est la pire des choses aux yeux des Dieux. Cette mise en scène fait penser que notre monde en serait peut-être à Minuit moins deux minutes sur l’horloge de la fin du monde. En effet, depuis le 25 janvier 2018, l’horloge affiche minuit moins deux minutes (23 h 58) en raison de l’« incapacité des dirigeants mondiaux à faire face aux menaces imminentes d’une guerre nucléaire et du changement climatique ». Si Cédric Dorier voulait par sa mise en scène, dépeindre un enchaînement apocalyptique de rebondissements tous plus destructeurs les uns que les autres, il y parvient pleinement.

Non seulement le texte est porteur – bien que souvent, hélas peu audible, passé le troisième rang, et …qu’entendre, au fond de la salle ? – mais la modernité, les jeux de lumière, de musique et l’appropriation chorégraphique de l’espace se font de manière magistrale pour épouser le propos de manière organique.

Dommage tout de même, que l’on n’ait pas pu disposer, comme à l’opéra, d’un dispositif défilant le texte. Cela aurait particulièrement aidé les jours où, Hélène Theunissen que l’on adore, jouait en dépit d’une laryngite aiguë. Il est apparu, néanmoins qu’elle n’était pas la seule à capter le dépit, le désespoir ou la colère dans le registre des murmures les plus inaudibles… Ceux-ci font sans doute partie d’un parti pris esthétique et émotionnel très conscient du metteur en scène, mais que l’on a du mal à admettre quand on a résolument pris rendez-vous avec la si belle langue d’un auteur du 17e siècle, et surtout lorsqu’il s’agit de chants si désespérés et si beaux ! Ou bien, faut-il avoir relu la pièce avant la représentation ?

Mais, grâce aux vertus cathartiques de la tragédie, il est certain que l’ on est amené, une fois le rideau tombé à questionner notre monde et à repousser ses pulsions mortifères par la raison et le questionnement lucide. Une production brillante et ...désespérante à la fois.

P.-S.
Mise à jour : [Relevons quand même que la perte de voix ne fut qu’un problème transitoire, que la mise au diapason sonore fut délibérée afin de conserver son unité à la représentation, et que cette tragédie racinienne absolue vous est actuellement présentée avec toute la force et la mesure qui s’impose !...]

Dominique-Hélène Lemaire

Théâtre des Martyrs