Scarlet est sur des charbons ardents. Alors que Tania, une des deux présentatrices de son émission "Fish & chips", vient d’accoucher, elle se voit obligée d’animer le show avec Kate, une écervelée nymphomane, qu’elle surnomme la "Rita Hayworth du pauvre". Par son retard, sa blague au téléphone et ses fanfaronnades, cette peste empoisonne le climat. Il faut pourtant lancer le générique : les minutes de studio coûtent cher. Sapé par les maladresses, l’absence de conviction et l’agressivité des démonstratrices, le tournage piétine et débouche sur un fiasco. On partage l’agacement de Carlos, le réalisateur, excédé par ces langues de vipère.
Cette parodie d’émission culinaire tombe très vite dans un humour potache. Kate s’amuse à recommander des recettes à base de... placenta. Et Scarlet, même si elle tente parfois de sauver les apparences, nous provoque en flairant son poulet faisandé ou en chipotant sa salade de chamallows. La satire de l’émission télévisée se dilue dans la violence des affrontements. La cuisine équipée devient un ring, où deux femmes cyniques, condamnées à une collaboration forcée (plus tard on apprendra pourquoi) règlent leurs comptes. Les coups volent bas. Kate blesse Scarlet en s’acharnant sur la laideur de son fils ou sur la médiocrité de son mari, réalisateur de films pornos. Celle-ci contre-attaque en reprochant à Kate d’avoir abusé de la faiblesse de son père, pour le vampiriser. La méchanceté inspire parfois aux combattantes des formules cruellement drôles. Mais pour éclairer le spectateur sur ce passé tumultueux, elles se lancent dans des explications bavardes et artificielles. Restée seule, Kate donne un coup de fil qui souffre du même défaut. Afin de montrer au public qu’elle mène son amant par le bout du nez, elle confirme les réponses de son "chéri".
Les auteures ont situé l’action aux U.S.A., où les stars des média vivent sur un siège éjectable. Bien plus encore que chez nous. A la recherche d’un job, Scarlet se heurte au diktat des modes et des clans. Oprah Winfrey n’engage que des noir(e)s et une autre productrice exclusivement des lesbiennes. Mise au placard, la vedette de la télé a un coup de blues. A cinquante ans, elle a perdu la couleur de ses cheveux, le regard des hommes et se sent vieille. En revanche, Kate refuse d’abdiquer. Elle continue à faire confiance à son sex-appeal, qui lui a permis de sortir de la pauvreté et de s’imposer dans ce monde impitoyable.
En dévoilant cetaines failles, les ennemies jurées laissent percer un peu d’humanité. Un moment de sincérité trop bref ! On regrette qu’elles ne se confient pas davantage. Des personnages plus consistants auraient pu assurer une progression dramatique. La pièce fait du surplace. Sous la perruque de Scarlet, Nathalie Uffner joue parfois le rôle du clown blanc, qui souligne la bêtise de sa partenaire. Mais elle se laisse aussi aller à des excentricités et à des vacheries. Nathalie Penning fait de Kate une opportuniste, décomplexée et provocante. Elle amuse la galerie par certaines répliques grinçantes, mais aussi par des clins d’oeil appuyés, par exemple à son "léopard bien dosé", ou par des plaisanteries du genre "Dans culinaire, il y a cul". Pour faire rire à tout prix, la comédienne se lâche et surjoue les vamps. Interprétation caricaturale à l’opposé de sa prestation dans "Sous la robe", où l’humour caustique était épaulé par le sens aigu de l’observation, l’autodérision, la pertinence et la rigueur.
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