Un homme arpente un morceau de plateau, la tête recouverte d’un cube en bois. Il maugrée des incantations, proches d’un chant guttural de moines bouddhistes, avant de tenter de se libérer de l’emprise de sa boîte. Il est rejoint par six autres hommes qui portent également une caisse dans les mains. Sauf un qui lui tire la boîte des mains. L’homme s’en prend alors à un autre de ses compagnons d’(in)fortune pour se remplir à nouveau les mains. La boîte devient enjeu. Plus tard elle deviendra décor.
Les sept hommes se rassemblent, se poussent, se cognent les uns aux autres, s’appuient les uns sur les autres. Tous ont l’air pressés de se rendre quelque part. Le rectangle de lumière dans lequel ils se meuvent se rétrécit, ils se heurtent, se gênent mutuellement un peu plus. Puis le rectangle disparaît, l’espace s’ouvre, se déploie. La lumière et les danseurs occupent désormais tout le plateau qui révèle une dimension jusque là insoupçonnée. Le paysage semble infini et froid. Tous se retrouvent en un endroit venus d’horizons différents, tous cherchent leur route. Des mouvements de groupe sont ponctués de solos individuels où chaque interprète semble exprimer quelque chose sur lui-même, tisser le lien qui le relie à cet univers fragmenté. Chaque performance est une tranche de vie.
Entamée en mode posé, cette quête de sens, de repères gagne en énergie lorsque les corps se jettent dans le monde, dans le groupe, et s’engagent, se battent pour garder leur place avec ténacité mais sans violence, aucune. Le rythme va crescendo avant d’atterrir en douceur dans le rectangle de lumière exigu dont les angles s’estompent pour faire place à un cercle , symbole d’harmonie.
Chorégraphe franco-belge, Karine Ponties a déjà collaboré avec une troupe russe notamment avec la compagnie Dialogue Dance de Kostroma qui a débouché sur la création de « Pastime Paradise » nominé au Golden Mask en 2015 (meilleur spectacle de danse contemporaine en Russie). En 2016, Elena Tupyseva qui l’avait accueillie à Kostroma devient directrice du Balet Moskva invite Karine Ponties à créer une pièce avec la section contemporaine du Ballet de Moscou. Cette collaboration prend la forme de « Every Direction is North » qui décroche la timbale avec un Golden Mask en 2017.
La chorégraphe a saisi l’opportunité de travailler avec ces sept danseurs qui impressionnent par leur maîtrise de l’art de la danse, leur précision et leur force physique. « Avec cette équipe de danseurs, explique Karine Ponties, je sens la possibilité d’aller loin dans le corps. A chaque proposition, leurs gestes sont comme des défis face à eux-mêmes. Ils ont ce que je cherche dans la création : rigueur, acharnement au travail et abandon. »
Didier Béclard