Arborant des tignasses provocantes, un nez rouge et des vêtements excentriques, un homme et une femme s’installent aux extrémités d’un grand divan. Le trac les paralyse. Encouragés par la musique, ils tentent de timides rapprochements. Avec une gaucherie cocasse. Au deuxième round, les masques tombent. L’homme se montre plus entreprenant, mais exaspéré par la fausse pudeur de l’objet de ses désirs, il critique sèchement son hypocrisie.
Une dizaine d’autres séquences illustreront avec un humour tendre ou caustique différents dangers qui menacent la cohésion du couple. Par exemple l’égoïsme aveugle du mari de Chantal. Imbu de lui-même, il lui coupe systématiquement la parole, pour pérorer sur la réussite de leur union. On comprend la rage et les désirs de meurtre de cette femme ignorée. Parfois le bonheur fait peur. Deux amants qui viennent de faire l’amour discutent de leurs sentiments. Chaque jour elle l’aime davantage. Lui, prétend éprouver la même sensation, mais brutalement... la quitte. La jalousie bien sûr est un poison. Il suffit qu’Eric De Staercke sourie gentiment à une spectatrice pour que Sandrine Hooge la fusille du regard.
Si ce spectacle insolite nous intrigue, nous séduit et nous fait souvent éclater de rire, c’est parce qu’il utilise efficacement le langage du cirque. Acteurs et metteur en scène sont reliés par le chaînon du clown : "Nous avons créé davantage dans l’action que dans la réflexion, presque spontanément, sans prise de tête." Formée à l’Ecole du cirque, Sandrine Hooge nous épate par l’audace de ses cabrioles et l’élasticité de son corps. Comme sa partenaire, Eric De Staercke privilégie le mime, pour exprimer la naïveté, la prétention ou la brutalité. Tous deux se contorsionnent dans des bagarres, dont la violence fait grimacer leurs visages en caoutchouc. La mise en scène précise et inventive de Jaco Van Dormael fait émerger des images signifiantes, tout en imposant à la représentation un rythme haletant. Serge Bodart soutient musicalement le spectacle, mais quitte parfois son piano, pour rendre service à sa femme. Un mari plan-plan , à l’opposé des énergumènes maladroits en amour.
Malgré leur agressivité et leurs échecs, ces paumés inspirent la sympathie. Les scènes burlesques, qui soulignent leur peur de la solitude et leur refus de l’indifférence nous touchent davantage que certaines parodies plus gratuites. Les échanges entre Inge et Kurt se contentent de ridiculiser la raideur germanique. Et le pastiche de vaudeville se borne à agiter des marionnettes. Cependant le public conquis justifie par son enthousiasme, une nouvelle reprise de cette comédie inoxydable.
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