Cette authentique comédie anglaise se voit incarnée par une authentique comédie belge - La Comédie de Bruxelles. La ghost story a cartonné au Centre Culturel d’Auderghem, habitué à programmer du 100% parisien. Le récit foldingue de l’improbable farce de Noël Coward y est évidemment pour quelque chose. Brillant, intensément drôle et classique, le drame fantaisiste « Blithe Spirit » date de 1941 et n’a jamais cessé d’être joué dans le monde anglo-saxon depuis sa création mais ne l’avait jamais été en Belgique.
"I will ever be grateful for the almost psychic gift that enabled me to write Blithe Spirit in five days during one of the darkest years of the war ! " - Noël Coward.
Cela se passe dans la très belle et opulente maisonnée britannique où habite le couple Condomine, servi par une jeune domestique désopilante, Edith, un personnage complètement siphonné ! De quoi introduire adroitement le spectateur dans le surréalisme et les stéréotypes de la bourgeoisie féodale. Charles, l’écrivain en mal de plume, fait venir avec la complicité de sa femme, un médium, Madame Arcati, pour recueillir l’inspiration pour ce genre de personnages dans son dernier roman. Il compte observer transes, astuces et ficelles afin de les réutiliser dans ses écrits. Un couple d’amis, le Dr et Mme Bradman est invité pour le jeu de spiritisme qui sera bien plus crédible si on est plusieurs ! L’étude de caractères n’en sera que plus riche !
Au fur et à mesure on découvrira que l’arroseur est finalement arrosé. Quand la table se met à tourner… les déclencheurs de phénomènes paranormaux font d’un coup (ou de plusieurs) face à plus surnaturel qu’ils ne peuvent maîtriser. Sur le plateau, se déroule donc un exercice de psychologie systémique avant la lettre, car on change un élément et hop ! toute la chaîne est affectée ! Les relations du couple sont sans dessus dessous, des vérités fantômes apparaissent, des vengeances et des preuves d’amour (ou non) sèment la discorde, car la boîte de Pandore a été malencontreusement entr’ouverte ! L’épouse de Charles, la colérique Léa, devra se faire à la présence d’un fantôme très encombrant : la belle Elvira, ou réussir à s’en débarrasser ! Mais comment peut-on dématérialiser des esprits ? Les quiproquos, les exorcismes se mêlent aux effets surnaturels visuels qui se déchaînent, les sortilèges de docteurs et de médiums s’entrechoquent, le public rit aux larmes tout en dégustant la perfection de la mise en scène (Daniel Hanssens).
La production met en vedette une distribution éblouissante emmenée par son directeur Daniel Hanssens. La plus palpitante, c’est Blithe Spirit, Elvira la défunte épouse de Charles (Laurence d’Amélio), bourrée de charme et d’esprit (Logique !). La plus marrante, c’est Léa, la grinçante épouse dominatrice de Charles (Laure Godisiabois). La plus sauvage, c’est la voyante qui vient à vélo (Catherine Claeys). ... La plus inénarrable, c’est Edith, la domestique qui de confusion, avalerait bien son tablier (Christel Pedrinelli) ! La plus parfaitement idiote et excitée, c’est Cécile Florin la femme du médecin (un docteur très bien campé, Victor Sheffer) ! Ce Quintet féminin a du souffle, de la fantaisie, de l’inventivité et de l’à-propos. Il fait preuve d’une vivacité sans pareille, dans l’une des comédies les plus excentriques et les plus malicieuses du patrimoine anglais moderne… ! Et le personnage masculin principal ? Le bigame astral est incarné par l’excellent Pascal Racan. Il s’en va, sur la pointe des pieds : "Good-bye again ! Parting is such sweet sorrow !" Une habitude, chez Noël Coward, qui en profite toujours à la fin pour libérer ses héros masculins de l’emprise féminine ! Et le plus drôle ? C’est le plateau qui vous le dira !
Dominique-Hélène Lemairedhlemaire@yahoo.com
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