Gilles est mort, il s’est tiré une balle dans la tête. La nouvelle bouleverse Léo, son vieux compagnon de lutte, et Léa, la sœur de Léo avec qui Gilles eut une histoire d’amour quelques années auparavant. Et lorsqu’ils recevront un étrange colis rempli de livres, coupures de presse et de cassettes audio, les souvenirs commenceront à refaire surface. Accompagnés de Jeanne, la maîtresse de Léo, et d’un homme mystérieux qui se fait appeler « Ange », ils vont revivre des épisodes de leur jeunesse tout en replongeant dans les fantasmes de ces années-là : les figures qu’ils admiraient, les livres et les poèmes qu’ils lisaient, les chansons qu’ils écoutaient…
La pièce commence lentement : sur un plateau à peine éclairé par une simple lampe, l’histoire s’ébranle patiemment mais nous attendons la suite, curieux. Lorsque les souvenirs fantasmés débutent et que les acteurs commencent à passer d’un rôle à l’autre, du présent au souvenir, du réel à la fiction en passant par l’histoire avec un grand H, la pièce parvient à nous accrocher et à nous emmener dans les tribulations de ses personnages. L’utilisation un peu malheureuse de la musique, couvrant parfois les paroles ou sonnant presque "cliché", dessert un peu la performance mais les transitions fonctionnent plutôt bien et l’on s’amuse des références à l’esprit « révolutionnaire » des années septante.
Malheureusement cela ne durera pas. Très vite, nous sommes totalement perdus : à mesure que les personnages s’enlisent dans leurs délires personnels, cela ne fera qu’augmenter. C’est sans doute en partie l’effet recherché mais cela ira jusqu’au décrochage complet, sans retour possible. Les changements de style, de textes, d’ambiances et parfois de musiques sont amenés de façon très maladroite. Les références, innombrables, s’enchaînent sans se répondre et sans que nous puissions, ne fut-ce qu’à la fin, déceler une trame à tout ce grand chambardement. Car chambardement il y a : pour coller à un certain esprit « Rock’n Roll » la mise en scène passe dans le déchaînement d’énergie pure. Oui mais encore une fois, la façon n’est pas toujours très heureuse, de sorte que certaines scènes sonnent comme des excès gratuits qui n’apportent que très peu à la pièce.
La fin veut conclure plus calmement, sur une note plus « simple » et plus touchante, mais cela n’aura pas suffi à nous ramener vers ces personnages, désormais désincarnés, et l’on ressort avec une impression de manque, voire de gêne par rapport à ce spectacle qui se voulait sans doute "coup de poing" mais qui ressemble plus à un coup dans l’eau…