C’est un voyage intérieur auquel nous sommes invités. Une plongée dans le rêve, c’est-à-dire dans un cerveau qui a cessé de fonctionner logiquement. Une histoire qui suit la pensée, vagabonde et imprévisible. Déstabilisante au premier abord, la pièce affirme sa forme et son ton et en tire le meilleur parti.
Œuvre multiple, la pièce s’appuie sur le son, la musique, la lumière et la voix. Présentée comme un « oratorio électronique », elle joue sur une mise en scène ultra-statique et une interprétation dépouillée. Le jeu des acteurs est dans la retenue, même si elle est fragile de par la tension qui s’installe. Ceci ajoute encore au trouble que provoquent des ambiances sonores travaillées et une musique tantôt polaire, tantôt vive et tendue. A la manière des meilleures musiques électroniques minimales, bien représentées ici, la sobriété de chaque élément donne plus de force à l’ensemble. Tout y est, chaque chose est essentielle et frappe juste. Less is More.
La folie apparente du texte heurte cette sobriété. On cherche à perdre le spectateur pour ébranler son esprit logique et l’emmener autre part. Les mots touchent grâce à la justesse des acteurs mais aussi parce qu’ils évoquent plusieurs choses en même temps. Tout ici est suggéré. L’imagination peut s’épanouir sans peine. On est dans le ressenti et il est certain que chaque spectateur a vécu une histoire différente. Car il l’a bien vécue, pas seulement vue.
Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a rien à voir. Le travail sur la lumière est remarquable et l’on assiste parfois à la création de sorte de tableaux expressionnistes, où l’on ne voit plus que des formes obscures. Mieux, nous sommes happés dedans. Jeux d’ombre et lumières bleutées magnifient la scène, représentation d’un paysage fictif de toundra.
Le tout aurait pu donner une œuvre froide, pure recherche artistique sans état d’âme. C’est l’impression contraire qui domine à la sortie de la salle : Enfant Zéro inquiète, déstabilise et bouleverse mais ne laisse certainement pas indemne.