Eddy Merckx a marché sur la lune

Bruxelles | Théâtre | Théâtre Les Tanneurs

Dates
Du 5 au 16 décembre 2017
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre Les Tanneurs
Rue des Tanneurs, 75 1000 Bruxelles
Contact
http://www.lestanneurs.be
info@lestanneurs.be
+32 2 512 17 84

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Eddy Merckx a marché sur la lune

Début 2016, Max quitte Julia avec qui il vit depuis trois ans à New-York. L’Europe le rappelle, ses racines le réclament. L’histoire de Max ne se raconte qu’en lien avec avec celle de ses parents, issus de la génération d’après mai 68.

Le squelette du spectacle est cette fiction singulière, traversée par la réalité du monde et par l’Histoire, par- courue par les questions de la mémoire, de la filiation, de l’héritage. Mais Eddy Merckx a marché sur la lune est un spectacle collectif, éclaté : entre flashbacks, ren- contres et chemins de traverse, ces vies que Jean-Marie Piemme raconte sont liées à une multitude d’autres personnages, sont habitées par le groupe, par la fragilité et l’humanité de toutes les personnes croisées, de toutes les personnes vivantes, partout et en tous temps.

Un texte touchant, actuel, sur la jeunesse, le monde et la difficulté d’y trouver sa place. Entre nostalgie, passions, colère, consolation, révoltes, fêtes, violence et douceur, la joyeuse équipe d’Armel Roussel propose une forme théâtrale énergique et simple, proche du spectacteur, qui réconcilie intime et politique dans une belle célébration de la vie.

Texte Jean-Marie Piemme
Mise en scène et scénographie Armel Roussel
Assisté de Julien Jaillot
Collaborateur artistique Antonin Jenny
Avec Tom Adjibi, Romain Cinter, Sarah Espour, Sarah Grin, Julien Jaillot, Antonin Jenny, Pierre- Alexandre Lampert, Vincent Minne, Nathalie Rozanes, Sophie Sénécaut, Aymeric Trionfo
Création lumières Amélie Géhin
Création son Pierre-Alexandre Lampert
Direction technique Rémy Brans
Production Gabrielle Dailly
Diffusion Tristan Barani

Une création de [e]utopia3 en coproduction avec le Théâtre Les Tanneurs, le Festival des Francophonies en Limousin, le CDN du Limousin et de La Coop asbl

Avec l’aide de la Commission Communautaire Française, du Centre des Arts Scéniques et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge [e]utopia est une compagnie subventionnée par
la Fédération Wallonie/Bruxelles – Service Théâtre

Armel Roussel / [e]utopia3 est artiste associé au Théâtre Les Tanneurs jusqu’en décembre 2017 — Armel Roussel / [e]utopia[4] fait partie des Créations Studio du Théâtre National/Wallonie Bruxelles à partir de 2018.

Distribution

Jean-Marie Piemme | Armel Roussel

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Lundi 11 décembre 2017, par Jean Campion

"Mai 68" dans notre rétroviseur

Un matin, en se réveillant, Jean-Marie Piemme avait en tête la phrase : "Eddy Merckx a marché sur la lune". La coïncidence entre la première victoire du "Cannibale" au Tour de France (20 juillet 1969) et les premiers pas sur la lune de Neil Armstrong (20 juillet 1969, 21 h.56 à Houston) l’a poussé à s’interroger sur l’héritage de "Mai 68". Quelle résonance a-t-il sur les jeunes d’aujourd’hui ? L’auteur ne fournit pas de réponse précise. Ni messages, ni analyse a posteriori. Mais dans ce spectacle, qui semble s’inventer sur le plateau, il laisse les éclats de souvenirs se refléter dans les peurs et les espoirs d’aujourd’hui.

Les différents "bonsoirs", que chaque comédien adresse au public, suscitent d’emblée sa complicité. Il saisit rapidement qu’on ne l’embarque pas dans une histoire déjà ficelée, mais qu’on le rend témoin de son élaboration. Sur cette feuille blanche qu’est la scène, les onze membres de la troupe donnent vie à une oeuvre chorale, qui tisse des liens entre l’après 68 et l’heure actuelle. Ils s’expriment en leur nom ou endossent des rôles, passent d’un personnage à l’autre, chantent en choeur et zigzaguent dans le temps. Un joyeux désordre qui rend vaine toute tentative de résumé.

Max (rôle que se partagent plusieurs comédiens) est le point d’ancrage. Depuis trois ans, il vit avec Julia, à New York, la "nouvelle Alexandrie". Répondant à l’appel de ses racines, il décide de rentrer en France. Stupéfaite, sa compagne ne le retient pas. Plus tard, elle comprendra l’intérêt de ce retour au pays natal. A Paris, il retrouve ses copains, une fille toujours amoureuse de lui et... ses parents. Des flash-backs le replongent dans la fièvre de mai 68. Passionnés par la révolution culturelle et la nouvelle vague, Pierre et Angèle se lancent dans des discussions orageuses, notamment à propos de "La Chinoise" de Godard. Accro aux drogues à la mode, Pierre tombe dans la déprime et se suicide. Max ne lui pardonne pas de l’avoir rendu orphelin.

Cependant la pièce ne s’attarde pas sur ce drame particulier. A travers les destins croisés d’un nombre imposant de personnages, parfois imprécis, elle nous fait passer de la mélancolie à la joie et de l’espoir au désenchantement. Sentiments mêlés, qui émergent de l’imbrication de deux époques. On s’enthousiasme pour le roi de la petite reine, escaladant les cols avec panache et on est sidérés par l’exploit fabuleux des astronautes. On continue à fraterniser avec Bob Dylan, en chantent "Blowing in the wind", mais les slogans qui faisaient fureur, comme "Il est interdit d’interdire" sonnent creux. Les utopies de mai 68 font écho aux doutes d’aujourd’hui. On rêvait d’obtenir tout, tout de suite. Maintenant on souffre de notre impuissance à protéger la vie sur terre. Un désarroi qui nous met au diapason de Barbara chantant : "Pourquoi suis-je venue ici, où mon passé me crucifie, où dort à jamais mon enfance ?"

La mise en scène souple et précise d’Armel Roussel nous aide à entrer dans le jeu de ce spectacle éclaté. Pas d’intrigue linéaire ni de personnages complexes, mais des acteurs représentant des hommes et des femmes en proie à de multiples vicissitudes. Leurs joies et leurs peines incitent à nous interroger sur nos rapports aux autres et sur nos liens avec le passé. On se laisse emporter par la vitalité des comédiens et séduire par l’écriture pleine de verdeur de Jean-Marie Piemme. Ironie caustique pour démystifier les phrases hermétiques et les querelles fumeuses des intellos. Sobriété touchante pour suggérer la tristesse de Max, imaginant que son fils se détourne de sa langue paternelle. Dommage que ce spectacle dynamique subisse quelques baisses de rythme, durant certaines scènes trop étirées.

Très lucide, l’auteur affirme :" "Eddy Merckx a marché sur la lune" n’est pas le texte d’une trompeuse nostalgie, où l’on ressasserait le bidonnant couplet de "c’était mieux avant". Ce n’est pas non plus mieux maintenant." Mais il ne sombre pas dans le pessimisme et insuffle à ses porte-parole une énergie vitale, une pugnacité de boxeur. "Inquiets du lendemain", ils sont avant tout "soucieux de ne pas ajouter du gris au gris, de la mort à la mort."

Jean Campion

Théâtre Les Tanneurs