La foule attend patiemment l’arrivée de l’ascenseur transparent qui doit les mener là-haut, au 4e étage du National, dans la salle où se joue le spectacle. Mais, surprise, c’est le spectacle qui vient chercher ses spectateurs : deux comédiens en queue-de-pie et grimage cabaret viennent haranguer leur futur public, armés d’un cabinet des curiosités lourd de promesses. Intrigués, amusés, on ne peut que les suivre, et attendre la suite. Les lumières ne sont pas encore éteintes que l’on est déjà pris par la main, emmené dans l’univers étrange d’Enfant Mouche. Au centre de la scène de bois circulaire et rotative, semblable à une piste de cirque, encadrée de mâts et de voilages, un adolescent sur un tabouret, l’air buté, ou désespéré, coiffé d’un éloquent bonnet d’âne. "Voici Léon, Léon Mouche, l’enfant qui, à 16 ans, décida de se taire pour toujours !" Pourquoi ? Comment ? Les quatre comédiens nous emmènent dans le passé du petit Léon, enfant d’un couple ordinaire, des gens comme tout le monde, les Mouche, qui, avec leurs petits moyens et beaucoup d’amour,feront leur possible pour éduquer leur rejeton récalcitrant.
"Enfant Mouche" est un spectacle qui use de poésie et de bizarrerie pour raconter des choses, au fond, très concrètes : la différence, la difficulté de s’insérer dans un système uniforme et lisse qui prône le formatage, le décrochage scolaire, le désarroi des parents, l’amour, cet amour qui est tout mais parfois ne suffit pas. Avec des mots simples et un grand naturel, les quatre comédiens et leur poignée de marionnettes donnent vie au monde de Léon Mouche, à son calvaire fait de retards scolaires, d’incompréhension constante, de souffrances et de cet atroce bonnet d’âne qui deviendra sa seconde peau, dans laquelle il laissera se dissoudre ses espoirs et son courage.
"Enfant Mouche" est une pièce qui parlera à tous ceux qui, de près ou de loin, ont connu un enfant différent, un Léon qu’on tente par tous les moyens de remettre "dans le droit chemin", un chemin parfois trop étroit pour ceux qui pensent autrement...On sourit, on s’émeut, et même si la morale de l’histoire reste à écrire, on se surprend en sortant à se sentir moins seul. Courez-y.
Cindya Izzarelli
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