Comme souvent quand il est question des camps et de la deuxième guerre mondiale, la grande Histoire nous est livrée à travers la petite porte de l’histoire intime. Mais l’originalité de ce « Voyage » réside sans nul doute dans le registre choisi pour l’aborder : le comique. En effet, tout le début de la pièce est essentiellement basée sur ces échanges cinglants entre le père attaché à une certaine haine de l’Allemagne, pour le principe, parce qu’il n’est « pas du genre à oublier les choses parce que le temps passe » et le fils pour qui « il n’y a rien de pire que les souvenirs ».
Ces échanges – dialogue de sourds, énervements mutuels ou mauvaise foi - mettent en lumière peu à peu leur histoire familiale, le passé douloureux du père, déporté à Dachau et les craintes du fils quant à son avenir.
Leurs deux voix s’entremêlent, comme celle de la guitare et du violon lors des intermèdes musicaux. Choix judicieux que Paganini : le père et le fils, instrument et sonorité différents, qui jouent ensemble une même partition qu’est ce voyage au coeur du souvenir.
C’est dans un dispositif scénique modulable – figurant tantôt la voiture, tantôt une table de restaurant, tantôt encore une chambre d’hôtel – qu’évoluent ce père et ce fils.
Deux histoires, deux personnalités, deux caractères...et deux acteurs de talent ! Si l’on regrettera quelques manques de nuance chez Léonil Mc Cormick, l’ensemble est bien tenu et ces deux comédiens nous font partager avec sincérité cette relation complexe. Quant à la performance de Gérard Vivane, elle ne peut qu’être applaudie des deux mains !
Le rebondissement final aurait pu amener un développement intéressant quant à la question identitaire ou encore celle des bourreaux mais le changement de registre manque de fluidité. L’écriture pourtant si agréable jusque là s’alourdit quelque peu tandis que le jeu du fils se veut moins nuancé dans ce registre plus dramatique.
Toutefois, mis à part ce dernier passage moins abouti, nous sommes emportés dans ce voyage en leur compagnie et malgré le sujet douloureux, la pièce nous montre que la vie transparaît même dans les ornières de la route.