Lundi 1er mars 2010, par Catherine Sokolowski

Double invasion

Des caisses, partout. Gloria (Myriem Akheddiou) et Rogerio (David Leclercq) emménagent dans leur nouvelle habitation. Il est passionné par la guerre en Irak, elle voudrait vivre dans un endroit agréable et ordonné. Entre rires et larmes, une belle réflexion sur la vie de couple, servie par de très bons comédiens, mise en parallèle avec les drames d’actualité et la perception qu’un citoyen peut en avoir.

La TV, omniprésente, exaspère Gloria. Cynique, elle regrette l’invasion de l’Irak. Elle ne s’identifie pas aux envahisseurs et ne « vit » pas les attaques répétées. Tout le contraire de Rogiero, qui est entré en conflit aux côtés de l’armée américaine. Les disputes quotidiennes, futiles, ont-elles un sens alors que des civils meurent à Bagdad ?

Quand, excédée, Gloria découpe des petits carrés de pain pour nourrir les moineaux, Rogerio réplique que ce sont les pigeons qui en profiteront. Tout est prétexte à se chamailler dans cet espace confiné : l’invasion de la télévision, le conflit irakien, les traces d’humidité, le traitement du parquet, la multitude de caisses qui encombrent tout l’appartement, les repas, mais aussi et surtout… la maladie de Gloria, que Rogerio ne traite pas avec le tact souhaité.

Quand Rogiero prend l’initiative de préparer le repas, le corps du lapin dégoûte Gloria. Pourtant les images d’Irak ne lui inspirent pas ce genre de répulsion… Sans le soutien actif de sa compagne, de plus en plus préoccupée par l’imminence de son opération gynécologique, l’entrain de son compagnon disparaît.

Drame ou comédie, la pièce nous fait traverser quelques moments de la vie d’un couple avec tendresse, humour mais sans complaisance. Tantôt c’est Rogiero qui lâche « Tu sais bien que j’aime pas ça, mais si tu veux aller au théâtre, je suis partant… », tantôt c’est Gloria, malade, qui pardonne les maladresses de Rogiero « J’ose pas imaginer ce que ça donnerait si tu étais enceinte ». En mettant un peu d’eau dans son vin, la cohabitation est possible, surtout quand l’amour est sincère. Une belle histoire d’Abel Neves, dramaturge portugais, accessible et réaliste, qui, par son apparente légèreté, doublée d’une analyse profonde de la société, s’avère très attachante.