Si Dom Juan paraît sans cesse traquer une nouvelle proie, par un comportement presque animal, son instinct semble pourtant indécis, comme s’il cherchait davantage à tester son pouvoir de séduction qu’à conquérir réellement les femmes. Plus les femmes sont inaccessibles, plus le désir de transgression est présent, et plus ce « jeu de pouvoir » est exacerbé. Mais la victime et le bourreau ne sont peut-être pas ceux qui en ont les apparences. La seule constance de l’attitude inconstante de ce libertin narcissique est son plaisir, qu’il suit envers et contre tout, usant et abusant d’arguments selon les circonstances qui l’arrangent. Mariage, religion, famille et société : rien ne résiste à la raison irresponsable de ce prédateur prometteur de beaux jours. Les agissements provocateurs de ce « Monsieur Non » à la virilité défaillante, lui collent à la peau comme les lunettes noires de Gainsbourg chantées par Adjani : « mettre des verres fumés pour mieux montrer tout ce que je veux cacher ». Le divertissement pour farder l’Ennui.
Bien que le donjuanisme ne soit plus de mise dans la société actuelle, car l’émancipation féminine et la libération des mœurs sont (heureusement) passées par là, on se dit toutefois que si Dom Juan avait consulté un psychothérapeute aujourd’hui, il en aurait fait la fortune. Tant il est vrai que le faux héros a entremêlé son éros avec un zéro existentiel, et se révèle être la marionnette de ses propres contradictions. Véritablement pris au piège de l’hypocrisie des hommes évoluant dans la grande mascarade du monde, comme dans un tableau de James Ensor.
Bas les masques ! Laissez-vous donc séduire par Bernard Yerlès (Dom Juan) qui avait envie de retrouver les planches théâtrales pour ce rôle, endossé comme une seconde peau. Il forme un excellent tandem avec Benoît Van Dorslaer, magnifique Sganarel coloré à souhait. Toute la sympathique troupe évolue dans un décor tout en bois, sobre et astucieux à l’image de la mise en scène de Thierry Debroux.
Céline Verlant
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