Dire Combray

Bruxelles | Théâtre | Théâtre des Martyrs

Dates
Du 12 au 29 octobre 2016
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre des Martyrs
place des Martyrs, 22 1000 Bruxelles
Contact
http://www.theatre-martyrs.be
billetterie@theatre-martyrs.be
+32 2 223 32 08

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Dire Combray

Au début de l’année 2014, on m’a proposé de faire une lecture d’extraits du premier chapitre de Proust. Comme c’est le cas pour bon nombre d’entre nous, le texte de « À la recherche du temps perdu » constituait une culpabilité culturelle. Je ne l’avais pas lu et à chaque fois que j’avais voulu m’y mettre, j’avais renoncé, le livre m’étant tombé des mains et je remettais toujours à plus tard la décision de passer par-dessus les premières difficultés de lecture. Cette demande de lecture était de ce point de vue une opportunité : j’acceptai et je me mis au travail. Et les difficultés commencèrent. Je n’y arrivais pas. Les phrases semblaient sans fin, construites selon un agencement dont la logique et la pertinence m’échappaient. Que faire ? Par ailleurs, j’avais expérimenté à de nombreuses reprises dans ma vie de comédien comment un texte qui nous était obscur, voire incompréhensible pendant de longues semaines de travail, devenait pourtant accessible au public dès sa première écoute pour autant que le comédien ait fini par le comprendre réellement, intimement. Sans cesse, je passais et repassais sur ce texte à voix haute sans cesser de me perdre. Et, un jour, arrivant au passage où le narrateur décrit comment, jeune garçon, il inventait un stratagème pour que Françoise accepte de porter la lettre qu’il venait d’écrire afin que sa mère monte lui dire bonsoir dans sa chambre, l’évidence apparut : il ne fallait pas seulement « dire » ce texte, il fallait le faire mien, le jouer, l’inventer sur le moment même. Il me fallait m’en emparer. Comme n’importe quel rôle. Il était écrit pour cela. Et, aussitôt que je l’abordai ensuite avec cet état d’esprit, le texte s’ouvrit, se dévoila, se simplifia, les phrases s’emboîtaient maintenant logiquement et un cortège d’émotion surgit. Et donc, il fallait l’apprendre. Ce que j’entrepris. Oserais-je dire que c’était plus facile à dire qu’à faire ? Oui, j’ose. La vertu essentielle de ce spectacle est qu’en restituant l’humour et l’émotion de ce texte, il le rend non seulement compréhensible et abordable mais aussi facilement intelligible à tous. Si l’aval des intellectuels et des « proustiens » de ma connaissance à propos de l’interprétation et de l’angle d’attaque du spectacle sur leur précieux « trésor » m’était évidemment très important, j’ai également tout de suite fait venir aussi des adolescents. L’accueil enthousiaste de ce que j’avais déterminé comme étant mes deux références m’a comblé et me motive aujourd’hui pour poursuivre cette aventure et la faire vivre au-delà des quelques représentations prévues initialement.

(Michel VOÏTA, comédien).

TEXTE : Marcel Proust
JEU Michel Voïta
CO-RÉALISATION Théâtre Adélie 2 | La Servante

Distribution

De Marcel Proust, avec Michel Voïta

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2 Messages

  • Dire Combray

    Le 14 octobre 2016 à 22:07 par Jacqueline Heyman

    Dire Combray par Michel Voïta au théâtre des Martyrs : incroyable. J’y allais avec quelque appréhension. Proust récité durant une heure... Merci à Demandez le programme de m’avoir offert ces places !

    Eh bien, j’en suis encore toute retournée, et mon mari aussi ! Une prouesse, un texte si alembiqué, dit avec nuances, émotion. Je ne me souvenais pas d’une telle émotion lorsque j’avais lu "Du côté de chez Swann." Peut-être trop jeune.
    Un texte littéraire transformé en un véritable théâtre, presque charnel.
    Il faut absolument y aller, avant le 29 octobre. C’est un comédien suisse, il circule énormément et ne reviendra sans doute pas à Bruxelles avant longtemps.

    Jacqueline, touchée au coeur.

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  • Dire Combray

    Le 16 octobre 2016 à 11:54 par Anik

    C’était très intéressant pour moi parce que je n’ai pas lu "Du côté de chez Swann" et donc ça introduit l’œuvre ! On vit avec l’acteur ces scènes qu’il se fait propres ! Je me suis pas ennuyée en 1:10min alors que j’avais un peu peur d’un seul en scène ! Franchement bien.

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Samedi 15 octobre 2016, par Dominique-hélène Lemaire

Jouer pour lire et dire.

Il n’est pas sanglé dans un costume de dandy fin 19e, il est en habits de metteur en scène. Dans la nudité noire du plateau, assis sur une chaise de bois, Michel Voïta réussit parfaitement à installer la croyance d’être les sujets du livre lu à la chandelle : trois extraits significatifs des premiers chapitres de "Du côté de chez Swann".

Il entraîne rapidement le public dubitatif sur son oreiller d’enfant, parcourant à la manière d’un orchestre de jazz tous les moments de réveil, ces zones entre-deux où s’installent des intuitions profondes et fugaces. Contact, tout s’éclaire. Un temps qui convoque de fulgurants instantanés de mémoire tels des étoiles filantes et qui superpose des perceptions de temps multiples. Nous sommes pris à notre tour au creux du kaléidoscope de Marcel Proust qui balaie l’espace d’évocations tangentes et confuses. Et tout devient lumineux, révélé comme la perception soudaine qui vous saisit lorsque l’on regarde des illusions d’optique. Un tour de force théâtral. Un défilé de personnages et d’ombres et lumières, qui nous ramènent à notre propre ressenti. Une approche originale pour mettre en valeur les textes qui nous passionnent ou nous tétanisent et de les rendre accessibles à tous.

« Comme c’est le cas pour bon nombre d’entre nous, le texte de « À la recherche du temps perdu » constituait une culpabilité culturelle » explique Michel Voïta dans sa note d’intention. Comme pour nombre de pauvres élèves à qui on infligea de pénibles dictées de mots et de souffle - dont il fallait ensuite faire la torturante analyse logique - les difficultés commencèrent lorsqu’il entama son travail de lecture du premier chapitre. Puis lui vint une sorte d’illumination, une communion subite avec le narrateur qui décrit comment, jeune garçon, il inventait un stratagème pour que Françoise accepte de porter la lettre qu’il venait d’écrire afin que sa mère monte lui dire bonsoir dans sa chambre. Une évidence lui sauta dans le cœur : «  … il ne fallait pas seulement « dire » ce texte, il fallait le faire mien, le jouer, l’inventer sur le moment même. Il me fallait m’en emparer. Comme n’importe quel rôle. Il était écrit pour cela. Et, aussitôt que je l’abordai ensuite avec cet état d’esprit, le texte s’ouvrit, se dévoila, se simplifia, les phrases s’emboîtaient maintenant logiquement et un cortège d’émotions surgit. »

Et à son tour le public est impressionné et submergé par la même évidence, celle de l’essence du sentiment amoureux à travers les perceptions cruelles de l’amour. Une collision entre la diffraction lumineuse de l’impressionnisme et la recherche intense de l’essence des sentiments de l’ expressionnisme. Une rencontre enfin avec un magicien de mots, à la diction parfaite, tendu comme un arbre de vie, vibrant comme un arc - celui d’Ulysse, nul doute - avec son orchestration subtile et juste de l’espace des émotions. Une voix parfaite qui plonge et s’élève dans une très large tessiture. Jouer pour lire et dire. Réussir le défi. Peut-être reconquérir l’amour. Présenter la galerie de personnages qui sous-tendent l’oeuvre et les faire aimer. Faire d’une représentation théâtrale le teaser d’une oeuvre monumentale.

Le public est comblé et reconnaissant devant ce troubadour, voyageur de temps et d’espace. Les amoureux de Proust ne se sentent plus de joie et les autres accèdent aux capiteuses libations, invités désormais à oser entrer dans l’œuvre et à en savourer la force évocatrice.

Dominique-Hélène Lemaire

Théâtre des Martyrs