Dimanche
Entre onirisme et réalité, Dimanche dépeint le portrait d’une humanité en total décalage avec son époque et saisie par le chaos des dérèglements climatiques.
Dans un petit immeuble du centre ville, une famille s’apprête à passer un dimanche en famille. Malgré les murs qui tremblent, un vent à décorner les bœufs et le déluge dehors qui ne semble en être qu’à son échauffement, la vie suit son cours. Autour d’eux, tout se transforme et s’effondre. On voit alors se déployer la surprenante inventivité de l’être humain pour tenter de préserver son quotidien jusqu’à l’absurde. Au même moment, sur les routes, parcourant le monde, une équipe de reporters animaliers préparent un documentaire témoignant de la vie des dernières espèces vivantes sur Terre.
Après nous avoir ouvert l’appétit avec leur succulent Back up – présenté dans de nombreux festivals dont le Fringe à Edimbourg –, les compagnies Chaliwaté et Focus marient à nouveau leurs disciplines au service d’une écriture collective, sans paroles, mêlant théâtre gestuel, théâtre d’objet, marionnette, jeu d’acteur et vidéo. Dimanche témoigne des cataclysmes en cours et à venir, et de l’apocalypse naissante et inéluctable. À la manière d’un jeu de ping-pong, nous suivons deux points de vue différents – celui, intime, d’une cellule familiale, et celui, plus universel, des reporters – qui donnent à voir une communauté de gens en total décalage avec leur temps et ce qui leur arrive. L’écriture onirique épouse parfaitement un délicieux absurde et un artisanat fabriqué 100% maison.
Distribution
Écriture et mise en scène : Julie Tenret, Sandrine Heyraud, Sicaire Durieux
Interprétation : Julie Tenret, Sandrine Heyraud, Sicaire Durieux, en alternance avec
Muriel Legrand, Shantala Pèpe, Thomas Dechaufour
Marionnettes : WAW ! Studios, Joachim Jannin
Collaboration Marionnettes : Jean-Raymond Brassinne, Emmanuel Chessa, Aurélie Deloche, Gaëlle Marras
Scénographie : Zoé Tenret
Jeudi 28 novembre 2019,
par
Laure Primerano
Dessine-moi un iceberg
Et si le théâtre d’objet et le mime se mettaient au service du climat ? Finie la barrière de la langue, avec « Dimanche » , les compagnies Focus et Chaliwaté présentent un spectacle qui pose la question climatique sur le devant de la scène.
25 Novembre 2019.
La nuit tombe sur les alentours du théâtre tandis que, bien au chaud dans la grande salle, la minuscule camionnette qui parcourt les paysages vallonnés de Dimanche mène ses spectateurs à travers l’obscurité. Au terme de ce voyage, des cataclysmes de plus en plus violents attendent les passagers. Alors que les éléments s’acharnent sur les protagonistes de Dimanche, allant de l’équipe de télé ambitieuse à la famille tranquille, ceux-ci s’efforcent de sauver les apparences d’une vie qu’ils veulent, par-dessus tout, « normale ». Face aux catastrophes, il ne semble y avoir pour toute réponse, dans cet univers pas si lointain, que la résignation et une volonté aussi forte qu’inconsciente de monter le son et d’enfouir la tête bien au fond de l’océan.
En cette fin 2019 marquée par les mouvements internationaux de grève pour le climat, le choix de faire de Dimanche un spectacle sans paroles souligne l’universalité d’un message déjà poignant. Spectacle d’une beauté scénique rare, Dimanche crée, par des effets lumineux et sonores parfaitement maîtrisés, un univers plein de poésie mélancolique que peuplent acteurs et marionnettes. À travers ses ambiances feutrées à la sécurité fragile, le spectacle tend un fil qui touche au cœur et fait entrer en résonance presque immédiate le spectateur et la scène.
Sous ses faux airs d’absurde et de comédie, Dimanche révèle, en les amplifiant, la gravité de situations banales. Les tableaux s’enchaînent comme autant de pièces de puzzle et se mettent lentement en place pour mieux révéler la complexité d’un monde secoué par des changements dont les habitants ne veulent concevoir la cause, pourtant si claire aux yeux des spectateurs. Évitant avec adresse le cliché moralisateur, le spectacle fait cependant passer un message clair et sans concession où transparaît l’urgence qui sous-tend toute la création artistique.
Avec Dimanche, la poésie tire la sonnette d’alarme. Un spectacle dont la beauté sait captiver les cœurs et murmurer à nos oreilles des mots qui réveillent l’esprit.
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