Pourtant le spectacle démarre nerveusement. Une pantomime illustre la fièvre urbaine. Des gens courent de tous côtés, avant de s’entasser dans un autobus. Plongée dans sa lecture, une fille nous incite à "fixer les regards des autres pour mieux les pénétrer". Elle est interrompue brutalement par un homme excédé : il ne supporte pas qu’elle lise son "torchon" à haute voix. Or, les autres passagers le confirment, elle n’a pas ouvert la bouche. C’est ainsi que Max découvre qu’il entend les pensées des autres.
Cette faculté, qui menace son identité, l’angoisse. Il craint la schizophrénie et cherche du réconfort chez un ami féru de spiritualité chinoise ou chez sa mère, une vieille baba cool. En vain. Sa femme exaspérée lui confirme sèchement sa volonté de rompre. Rendue célèbre par un feuilleton télévisé, cette Ariane Letendre est une actrice sympathique, qui signe avec plaisir des autographes. Son ambition artistique ne la détourne pas des autres. Contrairement à Max, qui, selon elle, est un comédien condamné au chômage par son égocentrisme. Maintenant que les questions, les doutes, les rêves des autres l’envahissent, comment rester lui-même, pour... interpréter des rôles ?
Plusieurs personnages récurrents relaient Max, pour témoigner de leur difficulté à briser leur solitude. Crevant de jalousie devant son succès, la voisine d’Ariane Letendre prend sa place et n’hésite pas à enfiler sa chemise de nuit, à lire son courrier. Un surdoué de huit ans impressionne par ses jugements lucides sur le comportement des adultes. Une femme est tentée d’annuler son premier rendez-vous, pour continuer à être convoitée par quelqu’un. C’est grâce à des monologues prenants, interprétés avec sensibilité par Emilienne Tempels, Sophie Jonniaux et Mirabelle Santkin, que l’on perçoit les failles de ces électrons libres.
Certaines scènes joyeuses exaltent la convivialité. Ainsi des spectateurs sont invités à participer à une partie de tennis et plus tard à venir danser sur le plateau. La ferme où l’on dit merci aux lapins, avant de les tuer et la chanson "Let the sunshine in" nous replongent dans l’ambiance "peace and love". Malheureusement quelques séquences nébuleuses ou sans intérêt alourdissent le spectacle, gênent sa progression et incitent certains comédiens à forcer le trait. Jeu caricatural à l’opposé de celui d’Olivier Coyette, qui incarne Max avec sobriété et un certain détachement. "Désordre public" (un titre difficile à justifier !) propose de beaux moments de théâtre mais aussi des trous d’air. Davantage de rigueur aurait rendu cet éloge de l’empathie plus convaincant.
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