Les personnages débordent l’archétype, ils dépensent sur scène leur humanité inquiète, douloureuse, complexe. Le texte est construit comme une partition qui s’enrichit sans cesse de nouveaux motifs, ou reprend les mêmes avec de saisissantes variations. Sur le plan dramatique cela donne lieu à une série de révélations.
Il est servi par des comédiens magnifiques. Juliette Croizat (Lenka) et Emmanuel de Candido (Slobodan) notamment, interprètent la partition avec intensité, sans toutefois céder à la tentation de l’excès que leurs rôles peuvent induire. Les comédiens sont à la fois vibrants et sobres. Car la sobriété est bien le maître-mot de cette mise en scène de l’auteur qui a décidé de jouer sur les nuances des formes et des lumières plutôt que sur les grands effets. Les déplacements créent de véritables tableaux, fort bien orchestrés par un rythme sans faille.
Une très belle scénographie donc, simple et efficace, une remarquable distribution et direction d’acteurs, des personnages d’une grande justesse servent ce huis-clos original. Car Philippe Beheydt a pris soin (hormis le titre et de rares références) de ne situer sa pièce ni dans l’espace ni dans le temps. Elle s’entretisse en revanche de certains mythes antiques ou bibliques, et touche ainsi à l’universel. Les spectateurs, très proches du plateau, ont la sensation d’être prisonniers de cette maison aux fenêtres obturées. Ils font partie de cette communauté déchirée et se situent, eux aussi, à un jet de pierre de Pristina, sans savoir s’ils jettent la pierre ou la reçoivent.