Désabusé, André se sent incapable de terminer la parabole de la brebis perdue. A quoi riment ces sermons dans une église vide ? Il noie sa désillusion dans le vin de messe et se résout à défroquer. Une décision approuvée en silence par Judith, l’organiste farfelue, secrètement amoureuse du prêtre. Par contre, elle est vigoureusement contestée par son entourage. Soeur Agnès, une nonne de choc, flanquée d’une soeur polonaise, au nom imprononçable et au gabarit impressionnant, s’efforce de soigner énergiquement cette crise de foi. Même si Jean-Paul nous étonnera par la pertinence de ses réflexions, il apparaît comme un faible, qui prétend faire la grève de la faim, mais qui ne résiste pas aux Twix. Sacristain catastrophé par le renoncement d’André, il tente de l’influencer, en jouant le rôle de Dieu. Si maladroitement que la supercherie saute aux oreilles. Mais André, comme Don Camillo, aura droit à une conversation avec le vrai Dieu, qui le persuade de réfléchir encore.
Dieu a aussi parlé à soeur Agnès. Sinon, elle "ne serait pas fringuée comme un pingouin." Cependant, elle n’y croit plus vraiment : "La Sainte Vierge, le paradis, Dieu, tout ça, c’est des trucs de business. Il faut bien VENDRE la philosophie chrétienne." André se laisse convaincre. Pas question de réduire l’image de l’Eglise à un ramassis d’homophobes et de pédophiles, couverts par des évêques sournois. Jouant les Sister Act, Judith transforme l’église en music-hall et prépare le show. L’interprétation du "Lion est mort ce soir" montre qu’il y a du boulot. Très vite, la chorale est gagnée par l’allégresse. Et le public applaudit chaleureusement negro spirituals et danses endiablées. Tous les moyens sont bons pour rameuter les brebis égarées. Agnès utilise l’intimidation. Jean-Paul invite les jeunes à venir s’éclater à la "super-messe-techno" (Entrée et parking gratuits !), en distribuant des tracts. Même dans une mosquée !
Dominique Bréda effleure l’abandon de la pratique religieuse et le célibat des prêtres. Il glisse une discrète allusion à un archevêque impopulaire et se sert d’Agnès, pour donner quelques coups de griffe. Mais sa pièce ne sent pas le soufre, comme "Serpents à sornettes", une farce très caustique, où Jean-Marie Piemme se moque également de la marchandisation de la foi.
Moins corrosif que "Le Groupe" et moins subtil que "Purgatoire", "Délivre-nous du mal" est un spectacle dynamisé par cinq acteurs, qui s’entendent à merveille, pour entraîner les spectateurs dans une franche rigolade. Cette comédie déjantée répond à l’attente des fidèles du Théâtre de la Toison d’Or, qui communient avec les comédiens. Durant les saluts, ceux-ci semblent les bénir : "Paix aux rieurs de bonne volonté."
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