En tant qu’autrice, Sofia Teillet nous propose un texte tissé d’improvisation, basé sur l’adresse directe au spectateur, ce qui donne à cette conférence-spectacle des allures de témoignage. L’histoire de son appartement parisien pourri, son avis sur les orchidées, sa prof de bio en troisième, ... sont autant de petites digressions qui participent à rendre vivante la prise de parole par la subjectivité qu’elle affirme. Aucune longueurs scientifiques ni de discours ex cathedra donc : tout ou presque se teinte de commentaires ou d’anecdotes, les transitions d’un chapitre à l’autre facilitent l’écoute et la réception du propos.
L’interprétation travaille également à rendre floue la frontière entre ce qui est "vrai" et ce qui est "factice", entre le témoignage et le théâtre. L’espèce d’hésitation-maladresse du personnage de l’oratrice est donc un choix cohérent, mais qui peine à atteindre son objectif. Est-il motivé par le caractère semi-improvisé, par une recherche de proximité avec le public ou justement par cette recherche d’une authenticité des témoignages de la comédienne ? Quoi qu’il en soit, en plus de ralentir le début du spectacle, il laisse surtout l’impression quelque peu étrange d’un "théâtre qui se cache", d’une qualité de parole et de communication qu’on cherche à dissimuler. Parce que, au fond, le public n’est pas dupe et sait que la trame est construite, le sujet connu et la personnage maîtrisé.
Quant à la scénographie, elle a opté pour la légèreté : sur une table, un PC relié à un vidéoprojecteur sert à afficher images et vidéos, de l’autre côté de la scène, un tableau flipchart viendra accueillir un schéma des organes reproducteurs végétaux. Un minimalisme intéressant puisque très peu esthétisant : les accessoires répondent purement et simplement à un besoin. Tout est donc fait pour mettre en valeur le jeu d’actrice, et ça fonctionne. Mais justement : le spectacle ne gagnerait-il pas à effacer plus encore ce qui n’est qu’accessoire pour laisser toute la place à l’interprète ? Quitte, finalement, à faire intervenir plus souvent une régie qui existe pour le spectateur dès l’instant où la comédienne lui demande de la musique.
Cependant, la comédienne fait preuve d’une énergie et d’un humour qui maintiennent aisément l’attention du spectateur et favorisent la réception d’un propos intelligent car riche d’interprétations possibles. En effet, tout au long du spectacle, plusieurs questions naissent des explications exposées, sans qu’il n’y ait jamais de réponse ferme et définitive. Libre à chacun, donc, de repartir avec celles qui lui parlent et de pousser sa propre réflexion, de mener ses propres recherches pour, qui sait, faire un jour éclore une fleur de pensée.
Yuri Didion
Photo : Margguerite Bornhauser Libé