Celestini est traduit en direct par Patrick Bebi, également acteur. Les deux hommes se comprennent au-delà des mots et la traduction enrichit le spectacle. Une cuisine modeste sert de décor mais elle aurait pu être remplacée par la place du marché, une île grecque, ou la caisse d’un supermarché. Le conteur et son traducteur nous emmènent où ils le souhaitent et c’est justement pour ça qu’on les aime tellement.
Sur scène, ils sont quatre. Violette Pallaro, dont on vient d’apprécier les talents d’auteure et de metteure en scène dans “Tabula rasa”, interprète avec beaucoup d’entrain le rôle d’une jeune caissière, racontant son bonheur d’être reine servie par les clients, ses sujets. Sa présence complète celle de Celestini, apportant une touche féminine et gracieuse au style plus rude du conteur. Mais, comme lui, elle s’exprime avec un débit rapide et coloré, plein de bonne humeur. Gianluca Casadei joue de l’accordéon, instrument typiquement italien qui se confond tellement bien avec la musique de ces récits entrecroisés.
Après la jeune caissière, on rencontre Dominique, vieille SDF sympathique qui recycle les ordures et Saïd, sans-papiers qui tente d’oublier ses peines en jouant à la machine à sous pour lui acheter un vélo. On peut gagner en jouant, “c’est la statistique ! Le gouvernement l’a dit !”. La dame des machines à sous est “belle et méchante”, ancienne migrante dont le rêve oublié était de trouver un riche mari américain. Il y a aussi l’histoire du petit gitan de 8 ans, qui fume et donne des conseils, notamment à une petite fille qui finit au pensionnat après l’assassinat de son papa.
Impossible de ne pas tomber sous le charme de “Dépaysement”, qui séduit tout en dénonçant. Génie du théâtre narratif, Celestini chante aussi, laissant alors le temps de souffler à son compère traducteur. Car tout se déroule au rythme de l’éclair, laissant le spectateur pantois devant toute cette dextérité. A ne pas manquer.