Jaoui et Bacri décortiquent avec férocité notre admiration teintée d’envie pour les personnages pâles au physique avantageux. Ils imaginent un diner organisé par le couple Jacques et Martine, la quarantaine, en l’honneur d’un ami perdu de vue depuis 10 ans et devenu présentateur-vedette à la télévision. Pour l’occasion, ils réunissent quelques copains parmi lesquels Georges, un copain qui squatte le canapé du salon de manière permanente - Fred, l’envahissant frère de Martine et Marylin un brin vulgaire mais aux formes pulpeuses, sa compagne - Charlotte la femme de la "star" télé qui feint un amour parfait avec son amant après avoir consacré sa jeunesse à la carrière de son mari.
Les auteurs, qui attachent une grande importance à la construction de leurs pièces, réussissent à entretenir le phantasme en occultant les personnages principaux (la vedette et Marylin) dont on ne cesse de parler. Car toute l’action se passe en coulisses - en l’occurrence la cuisine - où tout ce beau monde se croise et confie au passage ses frustrations. Apparaissent alors l’insatisfaction, les névroses, les magouilles et les mensonges de ces "paumés" des temps modernes.
Tout commence avec l’arrivée des invités invoquant un embouteillage pour excuser deux heures de retard, ce qui embarrasse Martine, la maîtresse de maison, qui a déjà dévoré une partie de zakouskis...
Patrick Mincke réussit une mise en scène sobre où les dialogues hybrides glanés dans ce va-et-vient entre la cuisine et les dépendances (salle à manger) devenues sulfureuses dressent progressivement le portrait d’une société où la liberté d’être soi est mise à l’épreuve par des conventions futiles.
Une belle brochette de comédiens rompus aux répliques caustiques du rire. Catherine Decrolier, Frédéric Nyssen, Dominique Rongvaux, Bénédicte Chabot et David Leclercq tiennent le public en haleine et donne à la pièce tout le relief qu’elle mérite.
Palmina Di Meo