Crâne

Ixelles | Théâtre | Le Rideau

Dates
Du 29 janvier au 16 février 2019
Horaires
Tableau des horaires
Rideau de Bruxelles@PetitVaria
Rue Gray, 154 1050 Ixelles
Contact
http://www.rideaudebruxelles.be
contact@rideaudebruxelles.be
+32 2 737 16 00

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Crâne

J’ai rencontré l’écriture de Declerck en 2005.

Choc déterminant !

J’ai lu ses livres au fur et à mesure des parutions, su qu’il était atteint d’une tumeur – à l’époque inopérable – au cerveau.

Puis j’ai rencontré l’homme, son charisme et son humour.

Après Dehors (2012) et Démons me turlupinant (2015), Crâne est le troisième spectacle que je tire de ses textes. Récit clinique intense de son opération selon l’impressionnante technique de la chirurgie éveillée, Crâne raconte les étapes étonnamment vivifiantes d’un parcours médical et, à travers lui, l’évolution d’un rapport à l’altérité, à l’écriture, au sens de l’existence.

ANTOINE LAUBIN

Distribution

PATRICK DECLERCK (texte) / ANTOINE LAUBIN (adaptation et mise en scène) / DE FACTO / Avec Philippe Jeusette, Jérôme Nayer, Hervé Piron et Renaud Van Camp.

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3 Messages

  • Crâne

    Le 31 janvier 2019 à 17:03 par Lucas

    Ce spectacle est brillant.
    L’écriture est fine, intelligente et cinglante, comme l’est je suppose le livre dont la pièce est tirée. La thématique est triste et le regarde de l’auteur sur cet épisode de sa vie cynique et un brin résigné, mais le jeu des comédiens vient lui apporter une certaine légèreté et en accentuer l’humour. Le jeu des comédien est fin, la mise en scène nourrit le propos sans le surcharger. Finalement, la présence une dose d’improvisation canine vient ponctuer certains moments.
    Si j’ai l’occasion, je retournerai voir cette pièce. Si vous en avez l’occasion, vous devriez faire de même.

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  • Crâne

    Le 17 février 2019 à 21:46 par Eria

    La qualité du texte est époustouflante et nous immerge dans cette histoire où la fragilité de l’être est mise en relief par un humour désabusé. Les comédiens sont excellents et la mise en scène pertinente : c’est un spectacle à voir !

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Mardi 5 février 2019, par Jean Campion

Vivre la mort dans l’âme

Depuis une dizaine d’années, Antoine Laubin et Thomas Depryck ont engagé un long compagnonnage avec Patrick Declerck. "Les Naufragés" et "Le Sang nouveau est arrivé", deux essais consacrés par l’anthropologue, psychanalyste et philosophe à la figure du clochard, ont nourri "Dehors" (2012), un spectacle qui ausculte notre fonctionnement social contemporain. Dans leur adaptation de son roman autobiographique "Démons me turlupinant" (2014), deux comédiens assemblent soigneusement les pièces du puzzle de sa vie. Dans "Crâne" (2016), Patrick Declerck, atteint d’une tumeur au cerveau, décrit les étapes de son parcours médical. En les mettant en scène, Antoine Laubin espère que ce récit clinique d’un survivant nous aidera à explorer "ce que mortalité veut dire".

Trois narrateurs successifs expriment les pensées de Patrick, avant, pendant et après l’épreuve. Sous le pseudonyme d’Alexandre Nacht, Philippe Jeusette représente son double, le survivant qui écoute, valide ou complète le récit. Depuis huit ans, Nacht souffre d’un gliome, une tumeur cérébrale à potentiel évolutif lent, susceptible de se cancériser. En 2013, on peut l’opérer. Accepter de voir la tumeur s’emparer inexorablement de la cervelle ou courir le risque (3,3 %) de succomber à l’intervention ? Le choix est évident. Nacht met sa femme au courant. Sans apitoiement. Une dernière IRM., où on lui demande de "penser à ne pas penser" autorise l’opération. Il l’aborde sans illusion : "Courir ? Mourir ? Cette seule petite lettre de différence... Rien ne sert de courir, il faut mourir à point ? Courir ? Mourir ? Pourrir ? Rien ne sert de mourir, il faut pourrir à point ? Ou l’inverse ?". Persuadé que seule sa chienne Sally souffrira de sa mort, il s’isole. Dans une nuit sans sommeil. Pensées sombres, blagues cyniques, réflexions philosophiques occupent son esprit vagabond. Il relit "Hamlet", son maître en tristesse et en dérision. S’il crâne, c’est parce qu’il veut bien mourir, mais décemment.

La tumeur étant mal placée, on risque d’endommager les lieux du cerveau, où sont stockés les fonctionnements du langage, du calcul, etc. Aussi l’opération se déroule partiellement en état de veille. Durant plus de deux heures, Nacht, totalement immobilisé, n’est plus qu’une tête qui fait des calculs élémentaires, lit en plusieurs langues et même récite du Shakespeare. Pour guider le professeur Krakov. Obligé de sacrifier la maîtrise d’une langue, il renonce à l’allemand. Acteur et observateur admiratif de cet exploit médical, Nacht donne aussi raison au vieux Schopenhauer qui prétendait que "le vouloir-vivre, cet increvable et furieux agité du bocal, existe bien."

Durant sa convalescence, il est soutenu par la bienveillance de Nathalie, la neurochirurgienne ou le souvenir des larmes qui embuaient les yeux d’une jeune interne. Pas question pourtant de survivre à n’importe quel prix. C’est parce qu’il retrouve progressivement ses facultés de penser et d’écrire que cet auteur poursuit sa route.

Par sa mise en scène subtile et sobre, Antoine Laubin nous aide à apprécier un texte mordant, d’une lucidité implacable. Chaque narrateur met en lumière une facette différente de l’écrivain. Jérôme Nayer porte la parole d’un homme désabusé, sarcastique, qui ne croit plus à rien. Plus dynamique, Hervé Piron fait ressentir la magie d’une opération à haut risque. Une reconstitution passionnante, teintée d’humour : la blouse d’hôpital est ridicule et la tête du patient semble servie sur un plateau. Renaud Van Camp adopte un ton plus détaché, pour évoquer la situation d’un rescapé, incapable d’oublier qu’il va mourir. Par ses ricanements, ses mimiques, ses formules grinçantes, Philippe Jeusette confirme que Patrick Declerck est intransigeant avec lui et avec les autres. Il refuse de s’attendrir et se démarque d’une humanité décevante. Son statut de survivant le marginalise un peu plus. Ce misanthrope, qui a conservé une certaine innocence, assume ce qu’il est. En récupérant sa capacité d’écrire, il garde la tête hors de l’eau. Mais il n’est pas dupe de cette bouée dérisoire. La mort le tient en joue et le condamne à la mélancolie. Patrick Declerck revient de loin. Comment échapper aux questions, que soulève son témoignage rigoureux et bouleversant ?

Jean Campion

Le Rideau