Les larmes aux yeux, Karine partage le déchirement de Francesca, l’héroïne de "Sur la route de Madison". Son aventure intense avec le photographe n’aura été qu’une courte parenthèse. Retour à la grisaille d’une vie insipide... Quelle tristesse ! Subjuguée par la merveilleuse Meryl Streep, Karine interroge son mari : "Est-ce que ta vie te plaît ?" Il est 23 h. 40 ! Pas l’heure d’affronter les questions existentielles, rétorque Didier, en pestant contre cette "daube à l’américaine". Cependant ébranlé par la remise en question de leur train-train quotidien, il lui propose un voyage, susceptible de les régénérer. Karine n’y croit pas : "Il y a des petites rides sur les corps. Pourquoi il n’y en aurait pas dans les couples ?" Son existence patine. Pour en sortir, elle rêve de tomber sous le charme d’un homme passionnant. Vexé, Didier lui vante la tonicité de leur vie sexuelle, son endurance. Karine reconnaît ses qualités, mais elle considère le coït comme un acte animalier. Pas essentiel. Cette nuit, d’ailleurs, elle préfère faire chambre à part.
Espérant désamorcer la crise, Didier a préparé un savoureux petit déjeuner. Elle le remercie, mais n’a pas très faim. Calmement, elle lui propose de prendre du recul. Ils pourraient se séparer, tout en restant ensemble. Tenter de vivre en parallèle lui paraît grotesque. Cependant, devant son insistance blessante, il relève le défi. En retrouvant sa liberté, il pourra se venger de ses frustrations, par des conquêtes. Tant mieux si elle tombe sur l’amant rêvé. Mais qu’elle ne s’avise pas de le ramener sous leur toit ! Une menace qui reflète son exaspération, son dépit, autant que sa souffrance.
Certains signes nous le suggéraient : leur amour est en veilleuse. En se confiant leurs "exploits" ratés, ils le confirment. Sans doute, pour éviter la banalité d’un happy end, l’auteur relance l’action par une scène d’engueulades explosives, aux conséquences navrantes. Dommage. Trop rapides, ces dernières séquences défient la vraisemblance et ne laissent pas le temps aux personnages d’exprimer leur ressenti.
Malgré cette fin maladroite, "Couple en danger" est une comédie spirituelle et séduisante. Grâce à ses dialogues incisifs, parfois grinçants, Eric Assous nous fait rire, en ridiculisant les mesquineries, les doutes et les contradictions de ces quadragénaires rouillés. Mais dans les méandres de ces échanges de plus en plus âpres, on perçoit aussi de la tendresse. Delphine Charlier laisse percer progressivement la détermination de Karine. On croit, comme son mari, qu’elle est simplement envoûtée par ce mélo à l’eau de rose. Puis elle assume résolument son rejet de la médiocrité. Didier a du mal à la prendre au sérieux. Quand il y est contraint, il s’énerve, menace, pousse des coups de gueule, parfois dérisoires. Laurent Bonnet exprime clairement son désarroi. Par le dynamisme de sa mise en scène, Marie-Paule Kumps veille à ce que cette crise soit tonique. L’utilisation de faux dialogues, post-synchronisés sur deux films culte, y ajoute une dose de malice.
Photo : ©Bartolomeo La Punzina
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