Conseiller fiscal, comme l’était son père, William Faber mène une vie conventionnelle et étriquée. Une vie totalement bouleversée par l’irruption d’une jeune femme dans son cabinet. Le prenant pour le psychanalyste, qu’elle était venue consulter, Anna déballe sans retenue ses déboires sexuels. Tétanisé par ces confidences, il ne lui signale pas sa méprise et même accepte une deuxième "séance".
Il se sent piégé par cet engrenage et se confie à Jeanne, son ex-femme, avec laquelle il couche encore parfois. Celle-ci flaire une idylle et n’écoutant que sa jalousie, lui donne un conseil expéditif : "Vire-la ou tire-la." Le docteur Monnier (mots niés !), chez qui Anna aurait dû se rendre, empêche William d’occulter ses sentiments. En écoutant cette jeune femme parler de ses problèmes, ne permet-il pas aux siens de remonter à la surface ? Avec beaucoup de finesse, Michel Israël fait de ce psy un personnage imposant, perspicace et savoureux. On se laisse séduire par son autodérision et ses formules à l’emporte-pièce : "Mon mari me trompe, et moi je me trompe de porte."
Au fil des rendez-vous, William Faber se sent happé par l’intimité d’Anna, qui lui dévoile les fantasmes de son mari et ses propres désirs. Déboussolé par leur connivence, il prend conscience du vide de son existence, trop bien rangée, mais patauge dans une confusion de sentiments : "Vous pouvez tout me dire, mais je ne peux pas tout entendre." Alain Leempoel vit cette métamorphose du fiscaliste coincé, avec une sobriété efficace. Anna joue un rôle déterminant dans cette transformation, mais son comportement reste énigmatique. Le malentendu initial dissipé, elle poursuit, en toute connaissance de cause, une "analyse" chez le faux psy. Que cherche cette épouse frustrée ? Se laisse-t-elle griser par son ascendant sur William ? Son mari existe-t-il ? Tour à tour provocante, secrète, attirante, perverse, Hélène Couvert donne à ce personnage un charme troublant. Dommage qu’elle se montre si envahissante, durant la premère scène. Elle aurait pu fasciner le conseiller fiscal, sans le brusquer.
En adaptant à la scène le film de Patrice Leconte (dont il est le scénariste), Jérôme Tonnerre a mêlé suspense et humour. La complexité des rapports entre les héros de ce huis clos provoque une tension croissante. Cependant les interventions ironiques des seconds rôles nous le confirment : la pièce reste une comédie. Comédie soutenue par une création musicale suggestive et une mise en scène intelligente.
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