Mercredi 30 juillet 2008, par Xavier Campion

Comment l’amour se joue toujours de nous...

L’écriture à quatre mains de cette comédie est fluide, drôle et proche du langage quotidien. Provenant d’horizons différents, les auteurs, Jean Dell (comédien) et Gérald Sibleyras (scénariste) se complètent efficacement. Ils se sont rencontrés à France Inter où ils écrivaient des sketches politiques, avant de se tourner vers le théâtre. C’est lors d’une mise en scène au Splendid que leur est venue l’idée d’écrire « Un petit jeu … » au vu de la jalousie que certains entretenaient à l’égard de leur duo complice. La pièce a obtenu le Molière 2003 du meilleur spectacle, et l’année suivante, Bernard Rapp en réalisa une adaptation cinématographique, avec Yvan Attal et Sandrine Kiberlain.

Le soir commence à tomber dans la cour du château du Karreveld quand la résonance des instruments d’un orchestre qui s’accorde s’y fait entendre. Le ton de la pièce est donné.
Comme un écho à la brève mélodie chaotique, les personnages instrumentant dans cette fugue (dé)concertante, tentent de se mettre au diapason pour jouer l’amour à l’unisson : tout un programme !

Depuis 12 ans, Claire et Bruno forme un couple uni, bien rangé (pour ne pas dire institutionnalisé) qui force l’admiration de leurs proches. Du moins jusqu’à ce buffet d’anniversaire dans la demeure familiale, auquel ce « tandem gagnant » et leurs amis sont conviés. Lassée de représenter le couple idéal embourgeoisé, Claire va en effet convaincre Bruno d’annoncer leur séparation. Comme ça, sur un coup de tête, juste pour voir…
La fausse confidence passe évidemment entre les mailles de la discrétion des amis. La trame file et s’emmêle bien vite dans un détricotage relationnel. Les langues se délient, les aveux fusent, les masques tombent.

Pierre Pigeolet donne ici une interprétation fine et très juste d’un Bruno heureux et naïvement amoureux. Du respect à la tendresse, en passant par l’humour, le jeu sobre et néanmoins piquant qu’il distille est porteur d’une grande force tranquille. Delphine Ysaye offre à Claire une dimension complète, entre puissance et fragilité. C’est Angélique Leleux qui incarne Axelle, l’amie tout à la fois nunuche, gnan-gnan et bêbête. Dans le rôle de Serge, Bernard d’Oultremont développe avec ruse l’assurance d’un dragueur trop sûr de lui. Quant au cousin parasite, Patrick, il est incarné par un Jean-Paul Clerbois aussi collant que sympathique. Les comédiens évoluent dans une mise en scène découpée, lisible, sans fioritures qui trouvera son plein potentiel au fil des représentations.

D’accords en désaccords, les duos, trios, quatuors vivent de vraies fausses notes, entre le grave et l’aigu. Ah, l’Amour ! fa-si-la dire mais pas à vivre…
Si ce refrain vous titille les oreilles, allez écoutez la pièce, construite comme du papier à musique. Elle enrichira votre répertoire, en fredonnant une mélodie aux rythmes variés. Une musique estivale à la portée de chacun d’entre-nous.

Céline Verlant