Pour mieux se vendre, beaucoup s’attribuent des profils flatteurs et cachent leurs intentions. Il faut parfois peu de temps pour que les masques tombent. François, garagiste, cherche une femme avec un beau châssis. Pour entamer une relation durable. A 45 ans, il est temps de se caser ! Le contraire de Sophie qui désire simplement une aventure d’un soir. Intentions divergentes et personnalités antagonistes. La libraire se moque de ce rustre "qui fait des fautes d’orthographe à l’oral". François coucherait bien avec cette quadragénaire rondelette, mais il aurait honte de s’afficher en sa compagnie. Le rendez-vous donné par un rédacteur en chef à une jeune journaliste apparaît vite comme un traquenard. Quand ce vieux beau de 55 ans, indifférent à ses projets, se montre trop entreprenant, elle le gifle et l’écrase de son mépris. Au nom de toutes celles qui refusent la promotion canapé.
Même réaction d’amour-propre chez Vanessa, humiliée par Kevin. Obsédé par la réussite, ce jeune loup de la finance la presse de questions sur son métier. Peut-être est-elle la "super winneuse" qu’il convoite. Lorsqu’elle lui avoue que sa seule ambition est d’utiliser son corps pour prendre et donner du plaisir, il la rejette. Pas question de payer une escort-girl. Si Myriam Leroy fustige les comportements machistes, elle ridiculise aussi les femmes capricieuses. Témoin cette fille branchée qui, en se regardant le nombril, n’arrive plus à donner un sens au tête-à-tête, qu’elle avait accepté. Du coup, elle tue la rencontre dans l’oeuf, sans le moindre égard pour son partenaire. Prétexte : il n’a aucun goût, puisqu’il porte une chemise à manches courtes.
Tentés par l’offre démultipliée des sites de rencontres, ces personnages essaient d’échapper à leur extrême solitude. Mais on ne les plaint pas. Si ces rendez-vous tournent aux fiascos, c’est à cause de leur méfiance, de leur besoin de garanties, de leur peur de se livrer, de leur égoïsme, de leur mesquinerie, de leur prétention, de leur hypocrisie. Soulignés par la plume acerbe de l’auteur, ces défauts nous poussent à éclater de rire devant les déboires du notaire échangiste ou devant la conversation absurde entre deux vieux homos, que tout oppose. Le romantisme de la dernière séquence confirme l’importance de la sincérité dans les rencontres amoureuses.
Nathalie Uffner, la metteuse en scène, a réussi à intégrer les sketchs dans un spectacle fluide, sans temps mort, en misant sur des intermèdes musicaux, sur l’animation du bar et sur la plongée dans les coulisses. Nous voyons les acteurs jouer les caméléons. Cette complicité avec le public est renforcée par des apartés, qui éclairent quelques séquences. Myriem Akheddiou, Sandy Duret, Pierre Poucet et Marc Weiss changent allègrement de peau, pour camper des personnages truculents. Certaines caricatures font mouche, d’autres moins. Si Pierre Poucet incarnait un patron moins m’as-tu vu et plus manipulateur, il justifierait davantage la révolte indignée de sa victime. Les dialogues incisifs, parfois cinglants sonnent juste et permettent aux comédiens d’imposer rapidement un nouveau personnage. Dommage que ce spectacle nerveux laisse s’étirer une discussion laborieuse sur la tromperie dans la relation amoureuse. Un bémol qui ne masque pas les qualités de cette première pièce de Myriam Leroy. Par son humour caustique, elle rend cocasses ces rendez-vous ratés et nous vaccine contre le marché de l’amour.
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