…Itinéraire d’un enfant sensible !
Charles Kleinberg a une longue carrière derrière lui et pour cause, à 3 ans déjà notre homme étudiait le violon. A 7 ans il donnait déjà des concerts et à 10 ans muni des dérogations nécéssaires à son jeune âge, il entrait prématurèment au Conservatoire. C’est là qu’il travailla d’arrache-pied avec son célèbre professeur Gertler. A 11, 12 ans il y donnait déjà des concerts : sonates de Corelli et duos pour 2 violons de Bartok. Mais très tôt Gertler jugea qu’il serait préférable pour Charles d’abandonner ses études afin de consacrer ses journées d’études uniquement au violon… Apre jugement que n’apprécia guère le père de Charles exigeant que son fils continue ses humanités. C’est ainsi qu’une carrière certainement très riche fût avortée et que l’on assassinat un petit Mozart…
Quelques années plus tard, bac en poche, Charles Kleinberg fît son entrée au service militaire par un biais pour le moins étrange. Chaque jour depuis l’ancien I.N.R. à la Place Flagey il animait dans le studio 16 une émission journalière « pour troupes « intitulée La demi-heure du soldat, dans la tranche 18h00-18h30 (réservée à l’armée en cas de conflit ou d’urgence diplomatique), avec des émissions consacrées aux soldats casernés en Allemagne ou aux coloniaux africains. D’émissions spéciales en émissions romantiques, cet intermède dura un an, le temps de l’armée.
Déjà muni d’une formation complète à l’I.A.D. et d’années de candidature en Philosophie et Lettres de préparation au Droit à l’université… - la radio loucha vers ce jeune expérimenté qui avait bénéficié d’une année d’émissions préparatoires.
Il fût donc engagé comme speaker et commença l’aventure des levers plus que matinaux (5h30) avec des communiqués à la batellerie, aux pigeons, des bulletins du temps, des dédicaces personnelles, des informations générales qui virent les débuts de futurs grands tels Jacques Bredael ou Paul Damblon, …
Très rapidement on l’engage pour des émissions plus intéréssantes, sa voix, sa diction soignée, son style, son sens musical et poétique l’amènent à des émissions plus personnalisées telles que « Soirée intime chez Charles Kleinberg », l’émission poétique du samedi soir ou, les Contes à la Veillée Radiophonique de Noël qui durent plus de 4heures. C’est l’époque riche où d’autres jeunes talentueux percent, les Gérard Valet, les Jean-Claude Mennessier…
Mais les choses se bousculent vite dans la vie de Kleinberg car il est appelé au théâtre pour y interpréter les grands classiques, - carrière déjà entâmée pendant son service militaire -. C’est ainsi que depuis ses nuits ont souvent été fort écourtées, après Néron dans Britannicus au Théâtre de Liège, il saute dans le dernier omnibus Liège - Bruxelles de 2h00 du matin pour assumer ses émissions radiophoniques du petit-matin.
C’est un rythme et un style de vie qu’il va adopter tout au long de sa carrière. Car Charles est un épicurien qui veut prendre le temps de vivre dans son monde, celui de l’Art c’est-à-dire à un rythme pas du tout épicurien. Là va être la difficulté de toute sa carrière. Travailler beaucoup, énormèment, … toujours et… vivre avec cet appétit qui le caractérise. Comment concilier les deux. Comment ???
Le Rideau l’accueille dans Oreste, il devient pensionnaire au Théâtre du Parc tant dans le répertoire classique que le contemporain : Racine, Corneille, Shakespeare, Goethe mais aussi Tennessee Williams et tant d’autres qu’il embrassa avec ardeur et passion. Car là est bien le maître-mot de cet homme : Passion.
Dès 65. il est souvent sur les routes, il joue à Paris avecla Comédie française, à Carthage. C’est une belle époque de sa carrière.
Mais ce rythme épuisant, trépidant l’amène cependant à un ras-le-bol général et à une période de recul. Il décide de s’expatrier. C’est qu’il a encore une autre idée. Il rêve de créer une émission radiophonique en Afrique.
Mars 70 ce sont les premiers récitals poétiques et ensuite… le départ.pour l’Afrique noire, pour Kigali au Rwanda. Très vite pourtant l’enthousiasme est douché car l’Afrique manque de moyens pour créer une véritable radio et se contente d’expédients. Déception pour Charles qui ne se laisse pas démonter pour autant et crée alors des récitals qu’il donnera dans les athénées et universités du Rwanda et du Burundi s’adressant autant aux africains qu’aux européens.
… La piste poétique
Au retour de cette belle expérience, en décembre, tous les théâtres sont déjà distribués et cela mène notre homme tout droit dans la piste poétique. Il propose un récital à Albert-André Lheureux alors créateur d’un petit lieu littéraire très à la mode baptisé l’Esprit Frappeur. C’est la naissance des Rives de la Poésie qui se jouera là pendant un mois avec bonheur et succès.
La concrétisation de ce récital aboutira à une longue, très longue série puisqu’en 73 il fêtera la 100ème au Cirque Royal devant un public de 2.500 personnes seul en scène et qu’en 79 suivra la 1.000 ème de ce même récital toujours au Cirque Royal uniquement accompagné par un guitariste. Une ovation de 30 minutes par un public enthousiaste couronnera ce récital.
… l’enseignement, son autre passion
Entretemps Charles Kleinberg qui mène sa carrière sur tous les fronts a été nommé professeur de déclamation au Conservatoire Royal d’abord à Mons, ensuite à Bruxelles ce qui a d’une certaine manière arrêté sa carrière de récitant car l’énergie et le temps consacrés à l’enseignement sont énormes.
Ce métier là, aussi ; il le sert avec passion. Une passion jamais démentie et les très nombreux élèves qui ont eu la joie de l’avoir comme professeur ne me contrediront pas. De très, très nombreux élèves dont 100 sont aujourd’hui à des postes de professeur également dans les conservatoires royaux et les académies de Belgique.
29 ans de cours, 29 ans à enseigner aux élèves l’art de se réaliser avec la technique en harmonie avec eux-mêmes.
Car s’il prend le risque de se mettre en scène parfois seul et toujours avec talent, il déploie la même élégance pour mettre en avant ses élèves avec une générosité non feinte.
… Ses grandes mises en scène
Pourtant s’il considère que le conservatoire a mis un certain frein à sa carrière de récitant il n’en reste pas moins qu’il continue à se lancer dans des réalisations de grande envergure. C’est ainsi que dans les années 80 il ajoute à son actif de prestigieuses mises en scène de plein air : Les Fêtes de Wallonie, spectacle de 20.000 spectateurs sur la Grand-Place toutes maisons historiques illuminées, toutes ruelles condamnées et consacrées uniquement au spectacle.
Mais aussi Mons Passé Présent avec plus de 1.000 comédiens et figurants,
Le millénaire de Bruxelles avec Egmont de Goethe ; 12.000 spectateurs avec des interprètes prestigieux Bernard Marbaix et le regretté Raoul de Manez,
Une reconstitution historique à Waterloo.
Plusieurs nuits au château de Beloeil dont Schumann, Monteverdi, Mozart…
Ses spectacles les plus récents :Libertés et Droits de l’Homme, le Traité sur la Tolérance de Voltaire, Senghor et la négritude en décembre 2001.
L’homme se fatigue parfois mais se passionne toujours… Et s’il a parcouru le monde jouant au Japon, au Brésil, en Israël, en Russie, en France, au Portugal ou en Pologne cela a toujours été en véhiculant la langue française. Ses récitals ont fait le tour du monde avec toujours le même succès.
…Perpétuel esthète
Amateur de grandes salles, de distributions grandioses, de mises en scène prestigieuses dans des lieux de renommée il est cependant toujours à l’écoute des gens et se met fréquemment en danger, - une autre forme de danger-, en jouant dans des petits lieux où la proximité permet une autre approche, plus personnalisée, plus chaleureuse.
Jamais son sens de la mise en scène, du « beau « ne se perd quel que soit l’enjeu car Charles est un edoniste dans l’âme.
Jamais ses spectacles - d’un personnage à cent personnages, sur une scène dépouillée ou dans de grands espaces historiques -, ne perdent leur sens visuel agréable.
C’est ainsi qu’on a pu le voir dans des lieux tels que l’Estrille au Sablon de 81 à 84 avec ses élèves qu’il poussait – discrètement mais fermement vers leur avenir -, mais aussi à la Samaritaine avec l’Ensemble poétique de Bruxelles qu’il a créé regroupant les élèves et les chargés de cours ,– toujours au Sablon -, fin des années 80 et depuis l’année 2001 au Théâtre Littéraire de la Clarencière près de Radio Flagey où il innove en novembre 2002 un spectacle consacré aux grands textes classiques de Victor Hugo cette année anniversaire.
En fait il revient là où il avait commencé son parcours juste en face du studio 16. pour continuer une carrière dédiée à la poésie. Car il a aussi besoin de se retrouver dans des lieux et des spectacles plus intimistes où il nous livre ses sentiments profonds !
… Tentation !! ??
Aujourd’hui en fin de carrière le timing toujours empli de Charles Kleinberg s’est vu dynamité par une belle tentation. Et même s’il s’était juré de refuser toute proposition autre que celle d’artiste ou de professeur, il n’a pu résister à la proposition de ce mandat temporaire d’assumer la transition suite au départ de l’ancien directeur du conservatoire de Bruxelles, Jean Baily, de mettre en place le nouveau directeur quand il sera nommé ; et de faire appliquer la nouvelle structure qui, - après tant d’années -, est enfin effective depuis ce 1er septembre.
Car si la Ministre Françoise Dupuis de l’Enseigneent supérieur a mis en place Charles Kleinberg à ce poste, il avait été choisi à l’unanimité par la profession. Il est aujourd’hui – depuis la longue histoire du conservatoire né en 1832 – le 1er directeur issu des arts de la parole. Tous les autres étant issus des arts de la musique !
Dorénavant les conservatoires vont donc fonctionner conformèment à l’Enseignement Supérieur artistique, l’enseignement sera donc départagé en candidatures et en licences telles les universités. Dorénavant comme il le dit lui-même avec l’humour qui le caractérise si bien : … "Nous voici donc dans la Cour des Grands : les Erasmus, les Bologne, l’équivalence européenne, tout cela nous est accessible. Craignez, Romains, craignez de voir débarquer les Gaulois, les Astérix, les Assurances Tourix, les plus braves des peuples de la Gaule . Et vous étudiants de l’ancien régime, on ne vous oubliera pas, vous serez les transitoires, les valeureux qui contre vents et marées vous serez imposés avant l’arrivée des nouveaux élus."
Dans ce conservatoire Charles Kleinberg a mis des années pour parcourir peu de distance au niveau de l’espace mais quelle distance au point de vue professionnel…
… des projets
Très prochainement un nouveau cours privé de déclamation pour adultes et jeunes adultes.
Avec le temps, comme les grands crus, Kleinberg a gagné en profondeur, en humanité et en générosité. Ces atouts multiples ajoutés aux dons naturels qu’il a su développer ont fait que si la poésie est une douce musique, il nous berce de cette musique-là depuis 40 années d’activité artistique incessante et ce n’est pas le dernier tour qu’il a dans son sac à surprises, car il a toujours su garder une âme d’enfant pour s’émerveiller et vibrer avec nous…
Fabienne Govaerts.