Sam Touzani, à la fois auteur et joueur… et prophète d’humanité, libère la parole et se raconte pour survivre à l’innommable. Dans un spectacle de feu, il propose une série de flashbacks pittoresques et émouvants sur son histoire familiale, tour à tour faite du sel des larmes et des épices du cœur. Il parcourt passionnément trois générations emblématiques qui bordent la Grande Histoire avec les accents poignants du réel.
« 1943-1945 Les maigres pâturages ont depuis longtemps disparu, et les Nomades ont reflué vers les oasis. Mais les cultivateurs des ksour n’ont pas eu de récolte/ … /. La recherche de l’eau et de « quelque chose à manger » a entraîné vers le Nord un vaste exode de bêtes et de gens, d’abord lent et sporadique, puis massif comme une avalanche. Des scènes navrantes surexcitent la sensibilité des Européens, témoins impuissants ; des êtres humains décharnés, au dernier degré de la misère physiologique, recourent, pour tromper la faim, à toutes les pratiques qu’on lit dans les descriptions anciennes. »
Tout débute donc dans les montagnes du Rif marocain, où la famine et la misère sont si écrasantes que même des enfants prennent, même seuls, le chemin de l’exode, c’est le cas du grand-père de Sam, qui a douze ans. Sam, le petit fils, verra le jour dans un deux-pièces chauffé au charbon à Molenbeek en 1968. Ado en 1989, il mangera un jour innocemment des cerises en plein Ramadan. Opprobre général. Il reçoit en plein visage alors la haine de sa communauté contre l’Occident, son inconcevable obsession de sacralisation de la pureté… le mépris des femmes, et de tout ce qui n’est pas musulman. La mosquée veut lui imposer le rêve toxique d’un djihad mal compris. Heureusement la Belgique veille.
Dès lors, riche d’expériences cinglantes, Sam, le fils d’immigrés, l’artiste, le comédien plein de verve, le danseur souple, rassemble ses forces pour combattre le communautarisme dans un questionnement sincère, entre la culture d’origine de sa famille héroïque et celle du pays qui l’a adopté. Il refuse le marquage identitaire. Il va réussir à relier les rives souterraines de ses multiples identités sans les réduire à une seule… Et cela jette des larmes de bonheur dans un public conquis.
Irrévérencieux, habile, convainquant, il débusque dans une langue savoureuse, le cercle infernal de la culpabilité qui ronge tous ceux qui quittent leurs terres, leurs parents, leur langue pour partir loin, très loin, là où poindra l’aurore de l’espoir, la lumière de jours nouveaux… Il réhabilite la femme, l’épouse, la mère, qui on retrouvé la grâce et la dignité de dire NON !
Merci à lui et son comparse, le musicien génial, Mathieu Gabriel, qui de son corps et de sa bouche convoque mille et une atmosphères de légende humaine.
Dominique-Hélène Lemaire
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