Les membres du collectif bruxellois Transquinquennal, Bernard Breuse, Miguel Decleire et Stéphane Olivier, sont des hommes de plus de 50 ans, blancs et hétérosexuels. Rien d’une minorité donc, ils font plutôt partie d’une classe dominante, privilégiée, qui suscité si pas la jalousie au moins une forme d’agacement. Dans « Calimero », le trio entend explorer la thématique de la colère et la conscience de ses membres dont ils peuvent eux-mêmes être l’objet, la cible d’une colère légitime.
Dans un décor fait de bric et de broc – un canapé rouge, une étagère emplie de poussins (vivant) une mappemonde, une sorte de tente – les hommes se changent pour revêtir le parfait uniforme des hommes blancs âgés de plus 50 ans : chemise blanche, cravate et costume. Ils devisent, palabrent, évoquant la souffrance d’être considéré comme un dominant alors que ce statut ne résulte pas d’un choix : « j’ai pas choisi d’être du côté des gagnants ».
Le ton est ironique, voire cynique, ces hommes souffrent en effet d’être dominants alors que cette posture est légitimée par la société. Et pourquoi est-ce si difficile pour les autres de supporter les dominants ? « Nous voulons éprouver et faire l’expérience de l’irritation que provoquent notre place, nos positions, nos privilèges, nos actes. Comment affronter, ressentir, et faire ressentir ce que notre masculinité, notre blanchitude, notre hétérosexualité, nos positions prétentieuses et pleines d’orgueil, notre égoïsme, notre domination, notre paternalisme provoquent, étouffent, détruisent, ignorent ? », écrivent-ils. Il reste que le propos, même s’il est par moment verbeux, est très intellectuel et documenté, en témoignent les allusions à « L’homme unidimensionnel » de Herbert Marcuse et à Ada Lovelace qui a créé, en 1843, le premier code informatique.
Le point de départ du spectacle est la pièce « Straight White Men » de Young Jean Lee impossible à adapter en français parce que trop américaine. L’idée est aussi que nous ne sommes pas toujours conscients de cette attitude, nous ne nous rendons pas compte de ce qui nous échappe, et cela vaut aussi pour les dominations que nous exerçons, sur les autres ou certains autres, et celles dont nous profitons. Prendre la parole en tant que mâle blanc dominant est aussi, selon le collectif, une façon de prendre conscience dans l’espoir de pouvoir changer les choses, casser le schéma.
Alors quoi de mieux pour ouvrir le débat et prendre la mesure de la colère que suscitent les dominants que de donner la parole aux personnes présentes dans les gradins. Le catchbox – un micro enfoui dans un cube en mousse histoire de pouvoir le lancer d’une personne à l’autre -circule dans le public, recueillant questions et commentaires. Les réactions des comédiens reste du même acabit parfois cynique, genre « les dominants veulent aussi pouvoir se sentir victimes, on ne peut pas tout avoir... »
Pour la petite histoire, le titre de la pièce vient du surnom infligé, en Flandre, à Bart De Wever qui est, somme toute, le type même de l’homme blanc dominant de plus de 50 ans...
« Calimero » par le collectif Transquinquennal jusqu’au 30 mars au Théâtre Les Tanneurs à Bruxelles, 02/512.17.84, www.lestanneurs.be. Il est possible de suivre « Calimero » et éventuellement d’exprimer son irritation, sa colère, sur http://calimero.transquinquennal.be/.
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