Bord de mer

Saint-Josse-Ten-Noode | Théâtre | Théâtre Le Public

Dates
Du 20 février au 31 mars 2018
Horaires
Tableau des horaires
Le Public
Rue Braemt, 64 70 1210 Saint-Josse-Ten-Noode
Contact
http://www.theatrelepublic.be
contact@theatrelepublic.be
+32 2 724 24 44

Moyenne des spectateurs

starstarstarstarstar-half

Nombre de votes: 2

Bord de mer

Elle a décidé d’emmener les enfants à la mer. Ils se demandent pourquoi, il y a école demain ! Elle veut leur faire découvrir la mer, jouer dans les vagues, courir sur la plage avec les mouettes, ramasser les coquillages… une escapade buissonnière ! On pourra se balader, les mômes seront bien. Dans une langue âpre empreinte de poésie, de tendresse mais aussi de révolte, Véronique Olmi compose une histoire simple et troublante, un hurlement, comme une lame de fond contre l’adversité. Le cri d’une femme pour lézarder les murs de l’indifférence.

Quelques années après la création de « Bord de mer » au Public, les spectateurs nous en parlent encore. Cette saison, Magali Pinglaut reprend la route de la mer pour nous conter à nouveau cette histoire dans une nouvelle mise en scène, l’histoire bouleversante d’une maman qui n’a « plus personne où aller ». On ne la quitte pas des yeux. Troublés, on la suit pas à pas sur la route qui les mènera du bus à l’hôtel, puis de l’hôtel à la plage, de la plage au café, et de là, à la fête foraine. Nous lui emboitons le pas dans les méandres d’un récit bouleversant qui ne pose aucun jugement moral. C’est presque un témoignage, tant la réalité crue qu’il dépeint nous est proche. Une histoire qui nous invite à ne jamais détourner le regard et ainsi nous incite à toujours plus de bienveillance et de solidarité.

UNE PRODUCTION DU THÉÂTRE LE PUBLIC. AVEC LE SOUTIEN DU TAX SHELTER DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL BELGE. Photo © Saskia Vanderstichele

Distribution

De Véronique Olmi
Conception et mise en scène : Michel Kacenelenbogen
Avec : Magali Pinglaut
Création Musicale : Pascal Charpentier
Scénographie : Renata Gorka

Laissez nous un avis !

2 Messages

  • Bord de mer

    Le 3 mars 2018 à 00:07 par mvandebroek

    A voir, absolument. Pièce qui nous prend aux tripes et nous laisse sans voix mais plein d’émotions très variées et troublantes. On n’en sort pas indemne et c’est très bien ! Magali Pingault nous transmet tout cela avec un naturel déconcertant.

    Répondre à ce message

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
    Se connecter
Votre message

Lundi 5 mars 2018, par Jean Campion

Une Maman à la dérive

C’est une brève de journal qui a inspiré à Véronique Olmi "Bord de mer", son premier roman (paru en 2001). L’article évoquait le drame d’une mère, qui avait emmené ses enfants à l’hôtel, puis à une fête foraine, où elle leur avait acheté des frites, avant de les tuer. "Ce petit texte contenait des idées contraires, des mots qui s’annulent : frites et mort. J’ai écrit, parce que je ne comprenais pas." En 2007, dans la petite salle du "Public", "Bord de mer" est devenu un seul en scène bouleversant. Magali Pinglaut y portait à bras le corps la parole de cette femme marginalisée par la société. Une dizaine d’années plus tard, le spectacle est recréé dans un espace scénique plus intime. Le metteur en scène a éprouvé la nécessité de faire vivre à nouveau cette mère "animale, seule avec ses petits, sans ressources", car il estime que "depuis les crise de 2008, cette histoire prend une autre couleur, une autre dimension, plus aride, plus violente, plus laide".

Elle vit seule, avec ses deux fils : Stan (9 ans) et Kevin (5 ans). Ils ne sont jamais partis en vacances. Aussi malgré sa pauvreté et ses angoisses, elle les emmène à la mer. Une escapade troublante pour les enfants : demain, il y a école. Peu importe. Elle veut "qu’on s’embarque et qu’on y croie à fond". Pour passer inaperçus, ils ont pris le dernier car du soir. Long voyage, crispant pour la mère, fastidieux pour les mômes, excités comme des puces. Sous une pluie battante, ils débarquent dans une ville noire, anonyme, mystérieuse. Sans un mot, un petit monsieur leur montre du doigt leur hôtel. Minable. Loin des images de la télé. Tout était marron : "on aurait dit qu’une vielle boue était accrochée aux murs et au sol." Perchée au sixième étage, sans ascenseur, la chambre est à peine plus large que le lit. Pas de table, pas de chaise, pas d’armoire. Les mauvaises surprises s’enchaînent. Déçue, la maman les encaisse et s’efforce de remonter le moral des garçons. Demain on verra la mer...

Avec ses vagues énormes, qui s’étiraient furieusement, elle n’était pas accueillante. Le café, où ils se réfugient pour se réchauffer, l’est encore moins. Soutenu par les ricanements des clients, qui se conduisent comme ses chiens, le patron s’amuse à humilier Stan. Pourquoi une telle hostilité ? Pour balayer toutes ces désillusions, on cherche une fête foraine, à la sortie de la ville. Lumières, musiques, cornets de frites, autos tamponneuses rendent le sourire aux gamins : "On a pris trois fois la rouge, m’a dit Stan, tu nous as vus ?". Elle était ailleurs. Mais elle leur a offert un sursaut de bonheur, avant de plonger dans l’horreur.

Tout au long du récit, on découvre une différence de relation entre la mère et chacun de ses deux fils. Comme tous les mômes de cinq ans, Kevin est accaparant. Cela ne la gêne pas. Elle sait s’y prendre pour le rassurer. Touchée par son innocence, elle adore le faire rire, en couvrant son ventre de bisous péteurs. L’attachement de son petit à son institutrice l’agace et elle a honte qu’il dise : "Avec Stan, je suis jamais en retard.". Son aîné lui lance souvent des regards accusateurs. Comme lorsqu’elle a oublié le lolo de Kevin. Se sentant de plus en plus responsable, Stan la remplace, la soutient, lui ouvre les yeux. La lucidité, la colère intérieure de l’enfant qui a mûri trop vite, provoquent des tensions, de lourds silences. Mais cette mère, de moins en moins capable de le protéger, admire sa détermination à prendre soin des autres.

A l’abri d’un container menaçant, Magali Pinglaut incarne cette femme en perdition, au bord du précipice. Elle élève rarement la voix, bouge peu, mais son visage expressif et sa présence rendent sa confession fascinante. On se laisse envoûter par la langue âpre de Véronique Olmi, qui mêle mots crus et images poétiques, réactions à chaud et réflexions sur l’existence. Sans pathos, la comédienne fait sentir la révolte, qui bout dans cette femme fragile, incapable de sortir de son isolement. Droguée par les médicaments, elle est envahie par ses angoisses, se déconnecte de la vie et devient une mère instable. En écoutant les péripéties de l’équipée sinistre, on ressent une tension implacable. Cette maman à la dérive n’échappera pas au désespoir et à la folie. Son geste est monstrueux mais inéluctable. Ce seul en scène est un témoignage poignant qui nous prend aux tripes. Une incitation à combattre la déshumanisation de la société et notre indifférence aux laissés-pour-compte.

Jean Campion

Théâtre Le Public