La salle du Poème 2 est un petit hangar aménagé pour la scène. Le public s’y installe, bercé par The end, des Doors. Des portraits de Lawrence Ferlinghetti et de ses comparses écrivains défilent sur un grand écran. L’ambiance est sombre, intimiste, underground. Les comédiens font leur apparition. Derruder a comme un accent de Raymond Devos dans la prose. Léonard évoque quant à lui l’acteur Christopher Lee, avec son aspect austère, sa barbe et sa voix grave. A leurs côtés, Lelangue, le musicien, les accompagnera en anglais d’un bout à l’autre du spectacle. Le talent et la complicité des trois hommes sont indéniables.
Côté visuel, un slide show bombarde la salle d’images parfois très dures, représentant entre autres l’holocauste, l’attentat du World Trade Center, l’assassinat de JFK...Un choix en accord avec le thème, puisque Blind poets blues dénonce, comme le faisaient les beatniks, les grandes dérives de notre société moderne : capitalisme, mondialisation, mépris de l’environnement et surpopulation (avec le très déjanté « Blues de la ponte »). La religion et les guerres en prennent également pour leur grade. Le public est pris à témoin, forcé de se remettre en question face aux accusations féroces et ironiques des artistes de la beat generation.
Attention, ce blues des poètes aveugles n’est pas « tout public ». C’est une pièce intellectuelle, qui cultive, interroge plus qu’elle ne divertit. Tout spectateur qui voudrait en profiter pleinement devra au préalable se renseigner un minimum sur le sujet, s’il veut comprendre le contexte dans lequel évoluent les acteurs ou parvenir à donner un sens aux noms et aux visages qui se succèdent à l’écran. Une fois ces connaissances de base acquises, c’est un bon moment garanti, malgré quelques passages un peu tirés en longueur.
Le spectacle se termine comme il a commencé : en douceur, la voix de Jim Morrison égrenant les paroles de The End.