"Après la répétition" est l’histoire d’un metteur en scène confrontée à sa jeune actrice : jeu de séduction, de pouvoir, de manipulation mais aussi recherche d’une vérité au-delà des apparences, tentative de percer le jeu de l’autre, quête de soi et de l’autre, rendez-vous toujours-déjà manqué. Le fantôme de la mère, actrice merveilleuse détruite par l’angoisse et l’alcool vient les hanter, inévitable présence dans leur relation artistique et amoureuse. Ce fantôme viendra également habiter "Persona". En effet, en réunissant ces deux œuvres, le metteur en scène éclaire l’une au moyen de l’autre et on ne peut s’empêcher de voir dans le rôle d’Elisabeth Vogler le personnage de Rachel. Les points communs sont nombreux : deux femmes, deux actrices, deux mères, aimées, adulées, désespérées. Si l’une noie son chagrin dans l’alcool et fait soigner ses crises à l’hôpital où elle peut hurler dans une chambre blanche. La seconde a cessé de parler et c’est en compagnie d’une infirmière qu’elle est censée se remettre à vivre. Au-delà de cette proximité des personnages, c’est surtout la similarité des thèmes qui est intéressante. Au centre de chacune de ces pièces se pose la question de l’identité. Celle-ci est abordée au travers des différents masques derrière lesquels on se dissimule, la recherche de la vérité ne passe qu’au moyen des rôles que l’on emprunte.
Outre ces rapprochements de fond, il n’y a pas de continuité formelle entre ces deux pièces. Elles sont présentées séparément, l’une à la suite de l’autre, dans des décors différents. La première emprunte une forme assez traditionnelle : dans une salle de répétition/coulisses, le metteur en scène et son actrice se retrouvent. Décors réaliste : canapé, chaises, miroir, lumières, caméra et écran. Ces outils seront utilisés tout au long car bien que la répétition soie finie, la représentation continue.
La seconde pièce est nettement plus originale. L’esthétique froide et minimaliste renforce la cruauté fondamentale du propos. Ainsi la première scène, renversante ; désarticulé, un corps nu gît sur une table. La salle est vide, grise, la lumière blafarde. C’est davantage une morgue qu’une chambre d’hôpital qui est donnée à voir. La femme couchée ne parlera pas, ne bougera pas pendant cette première scène. Image totale de l’abandon, désespoir vidé de toute vie. Ivo Van Hove fait oeuvre de plasticien tout en parvenant à échapper à la tentation de l’esthétisme. Son propos est juste et est porté avec bonheur par des actrices remarquables. On repense au merveilleux "4.48 psychose" mis en scène par Isabelle Pousseur.
Que l’on soit ou non familier avec l’oeuvre bergmanienne, on ne sera certainement touché par la prestation de la troupe hollandaise.