On peut sans conteste dire que l’intelligence du spectacle est toute entière dans l’utilisation à la fois percutante et poétique, réaliste et imagée, de l’espace, du son, de la vidéo et des corps.
Tables de mixage d’un studio de radio libre, frigo et saucisses à gogo, figurines wagnériennes à profusion, écran blanc en fond, le décor est posé.
En ouverture, on pénètre par vidéo interposée dans le sein du sein, couloirs infinis, coulisses et arrière-scène du Festspielhaus, LA maison du dieu Wagner…
Suivent des séquences alternées de danse, de dialogues radiophoniques, discussions nocturnes entre animateurs et épisodes joués, avec force de perruques, de la tétralogie, de dégustation de saucisses de Francfort et de musique gentiment déjantée. Un cocktail qui raconte mieux que de longs discours l’univers un peu follement fanatique du Bayreuth des passionaria de Wagner, mais aussi du monde des extrêmes voire du monde comme il va…
Aux comédiens exclusivement masculins de "Siegfried Forever" sont venues s’ajouter ici deux excellentes et non moins débridées comédiennes-danseuses-chanteuses, qui manient le corps comme l’humour, et apportent la touche glam-sexy, voix rauque et déhanchement, au second volet de "The Siegfried swan song".
Pas de récits explicatifs ni de discours soulignés ici. Juste des corps qui parlent, hurlent, disent en douceur ou en folie, en gestes saccadés ou en break, la vie et les rapports hommes-femmes. De l’héroïsation de la vie à la vie ordinaire, d’un studio de radio à l’univers des dieux wagnériens, les frontières implosent en toute logique, bousculant les repères, mais révélant la vie comme elle est, souvent, parfois, toujours.
Partant de la légende des Niebelungen, utilisant la danse, la musique et la vidéo (aidé en cela par ses comédiens aux multiples et complémentaires talents, Stéphane Broc signant entre autre les géniales images), Mauro Paccagnella a réussi le pari d’amener avec humour un univers particulier, lointain et proche à la fois.
La légèreté dansée du spectacle n’empêche pas, malgré tout, un clin d’œil final à la propagande, une interpellation juste et en finesse de la conscience des spectateurs.
Spectacle relativement hors norme, il ne plaira sans doute pas aux plus grands des amateurs de Wagner... Quoique l’humour omniprésent saurait sans conteste les dérider… Pour les autres, curieux de belles surprises chorégraphiées, nous dirons « Branchez vous sur Bayreuth fm, 99.20… »