C’est avec des jeunes comédiens que Sofie Kokaj effectue un travail d’expérimentation propre sur cette partition ludique de l’évolution de la pensée.
Ils sont quatre (Anaïs Aouat, Romain Pigneul, Joseph Olivennes, Sophie Sénécaut) à se livrer à un corps à corps avec un texte qui flirte avec l’enfance, l’appréhension borderline d’un monde sans âme. Y affleurent les préoccupations de la jeunesse : le rejet de la différence, l’errance, l’absurdité de la discipline. Exploration entrechoquée des relations aux êtres et aux choses, la pensée se libère hors de toute convention.
C’est la méthode Kokaj de partir d’images, de fragments pour saisir l’essence d’une œuvre. Faire du théâtre à partir d’un matériau non théâtral, c’est sa marque et si Foreman l’a séduite, c’est qu’il autorise la liberté la plus totale dans la mise en scène de ses textes. Ayant traduit la pièce, Sofie Kokaj met alors en abyme l’idéal de déconstruction de l’auteur car là où « Nietzsche voulait nous extirper de la morale qui nous conditionne, Foreman travaille à sortir le théâtre et l’art de ce qui est établi. »
Sur un plateau nu, encombré d’objets disparates, balisés d’écrans colorés, agrémenté de quelques instruments de musique, les comédiens vont effectuer un parcours de reconnaissance presque à l’aveugle. Tels des fantômes, ils vont chercher à donner un sens à leur présence. Baroque dans le verbe, minimaliste dans la forme, Bad Boy Nietzsche version Kokaj se vit comme un laboratoire de création avec ses doutes, sa part de hasard, sa confrontation au public.
Un peu lente au démarrage, on se laisse vite prendre à cette recherche ludique de cohérence, à ce chassé-croisé drôle et insolite où il est question de comprendre l’incompréhensible, d’affirmer l’irrationnel et de saisir ce qui se dérobe dans un quadrille sadomasochiste cruel, aléatoire et terriblement humain.