Moyenne d’âge du public : entre deux et quatre ans, accompagnés de leurs parents. En effet, le théâtre d’objet s’y adapte particulièrement bien. Ici, l’objet illustre, décore, agit pour remplacer les mots. Cela permet de contracter très fortement les pièces déjà très résumées quitte, finalement, à en réduire certaines à un simple commentaire : ainsi Macbeth se résume au célèbre "To be or not to be" suivi des larmes de Cordélia rapidement renvoyée dans les cordes d’un "Enough Cordelia !"
Les spectateurs pénètrent dans la salle qui baigne dans un univers très sérieux. L’impression, avec autant de bambins, est étrange, presque fascinante. Nous découvrons ainsi une table semi-circulaire dans laquelle sont intégrés cinq enfants costumés, entourée par un gradin construit pour intégrer des sièges-bébés. La table, recouverte d’un tissu gris pierre, fait l’effet d’un autel de granit et ajoute à la solennité de l’instant. La comédienne et le régisseur, en costume de velours brillant, viennent nous placer et offrir des sièges aux adultes. Cela suffit à "faire théâtre".
Les perruques qu’arborent musicien et régisseur participent à une forme d’objectification qui les intègre presque dans le décors. Ainsi, ils donnent plus de poids à la comédienne en formant un pseudo-chœur avec elle. Toutefois, condenser l’espace de jeu renforcerait sans doute ce dispositif : le choralité serait plus perceptible si tous trois étaient visibles en un seul coup d’œil, et non en panoramique.
Le texte est composé presque uniquement de très courts extraits des pièces citées, toujours en langue originale. Cela crée un effet de surprise qui n’est pas dénué de sens : la musicalité et l’étrangeté d’une langue qu’on ne parle pas accrochent et captivent l’attention d’une manière presque magique. Mais n’espérez pas avoir accès à la poésie de Shakespeare : ce n’est pas le texte qui se trouve au centre du projet, mais bien l’objet et l’action qu’il permet.
Cela reconstitue d’ailleurs nos jeux d’enfants : ces histoires construites avec quelques antiquités trouvées au fond d’une vieille malle ou en secouant quelques poupées de chiffons et qui nous transformaient l’espace d’un après-midi fantastique en fées ou en lady, en magicien ou en roi.