Vendredi dernier, Bozar cinéma ouvrait les festivités de ses 10 ans d’existence avec la projection de Force majeure (Turist) du suédois Ruben Östlund, présenté lors du dernier festival de Cannes.
Tomas (Johannes Bah Kuhnke) et Ebba (Lisa Loven Kongsli) arrivent dans une luxueuse station de ski des Alpes avec leurs deux enfants. « Parce que Tomas travaille beaucoup et a décidé de consacrer cinq jours à sa famille » ainsi que l’explique Ebba à une autre touriste, les valises à peine posées. Divisé en cinq « actes », le récit de cette escapade familiale se transforme en cauchemar dès le deuxième jour, lorsqu’une avalanche « contrôlée » déferle vers la terrasse du restaurant à l’heure du déjeuner. Alors que l’avalanche menace de tout emporter, Tomas empoigne son I-Phone et ses gants et abandonne sa famille à son sort. Tout danger écarté, il revient auprès des siens. Mais ce qui n’aurait dû être qu’une anecdote (du moins, dans l’esprit de Tomas), commence à altérer les relations de la famille entière. Ebba refuse le non-dit, s’entête à trouver une justification au comportement égoïste de Tomas et à son propre désarroi. Ce qui intéresse Östlund, c’est la réaction de l’entourage face à un acte inconsidéré. Indirectement la question est posée : Qu’auriez-vous fait ? Peut-on maîtriser ses instincts en situation de panique ? Est-ce rationnel ?
Östlund est passé maître dans l’art de remuer le couteau dans la plaie en mettant à vif des situations d’extrême tension sans que celle-ci n’écrase le récit. Sous la bienséance et le calme apparent, bout une révolution intérieure. Elle éclatera en une "crise" et une "mise à l’épreuve" empreintes d’un humour décalé et salvateur. Avec ce troisième film (après Involontary en 2008 et Play en 2011), Östlund reste fidèle à ses obsessions, rendre le mystère de l’individu dans ses aspects les plus sombres et disséquer l’influence des relations de groupe sur le comportement intime. Les processus scéniques privilégiés sont les plans séquences, une prise de distance par la caméra. De lents panoramiques descendants accentuent la syntonie entre l’urgence interne des personnages et l’envahissante blancheur des pics alpins. Les mouvements les plus tourmentés des Quatre Saisons de Vivaldi ont été arrangés de manière à renforcer la sensation de danger imminent. Östlund nous tient en haleine pendant deux heures : elles s’écoulent sans que l’on en prenne conscience. Ce petit chef d’œuvre se savoure sans précipitation.
Parmi le programme de ces quatre jours, des premières comme L’institutrice (The Kinder-garten Teacher) de Nadav Lapid, sélectionné dans une centaine de festivals, se focalise sur la confrontation entre une institutrice et son élève prodige. Le film questionne l’absence de poésie de la société moderne.
Levan Koguashvili avec Blind Dates , (il a précédemment réalisé Street Days ) s’affirme comme un des meilleurs cinéastes géorgiens. Gardenia. Before the last curtain falls de Thomas Wallner suit un groupe d’acteurs septuagénaires et transsexuels dans la mise en scène et l’ultime représentation de leurs propres vies.
Parmi les documentaires, The Go-Go Boys rend hommage à Menahem Golan et Yoram Globus, les deux cousins israéliens qui reprirent Cannon, société de production de « Love Streams » de Cassavetes, d’« Otello » de Zeffirelli et du « Runaway Train » de Konchalovsky, parmi beaucoup d’autres.
Pour Casus Belli , A. Lévy-Morelle a observé pendant cinq ans un tribunal de la justice de paix et un bureau local de médiation, « deux endroits où les gens ont une auto-mise en scène d’eux-mêmes, une dramaturgie naturelle ».
Ὰ la recherche de Vivian Maier , dresse le portrait d’une des photographes les plus appréciées du 20ème siècle qui resta dans l’ombre toute sa vie et dont les quelques 100.000 clichés furent découverts par hasard par John Maloof.
Palmina Di Meo
Découvrez le programme complet sur :
http://www.bozar.be/activity.php?id=15569