Aura Popularis
L’humour dévastateur de Dominique Bréda se met au service du souffle du peuple. La plume du lauréat du prix de la critique 2010 offre à 13 de nos meilleurs jeunes acteurs un texte mordant questionnant la crise et éclairant le monde dans lequel nous nous débattons. Chorégraphié par Bérengère Bodin et orchestré par Emmanuel Dekoninck, Aura Popularis se décline en dix tableaux ciselés au scalpel où les corps et les mots racontent avec ironie les effets de l’ultra-libéralisme.
"Faire rire sur le thème de la crise, c’est un peu comme faire du ski sur des gravats : casse-cou ! Et pourtant, Dominique Bréda, plume belge à la glisse virtuose, s’en sort avec un chamois d’or. Son "Aura Popularis" aligne toutes les crises de notre époque : crise des subprimes, du chômage, de la dette, des banques, du logement, etc., évitant toute indigestion en tartinant chaque tranche d’un humour léger, sans acide gras saturé. Mais si ce mille-feuilles de sketchs drôlement cyniques se digère aussi bien, c’est grâce aussi et surtout à la virevoltante énergie de treize jeunes comédiens emmené par un Emmanuel Dekoninck inspiré.
"Aura Popularis" parle aussi bien avec les mots qu’avec les corps, à un rythme joyeux malgré la teneur du propos. Un amas de corps qui se convulsent, s’écrasent les uns les autres pour tenter de sortir la tête de l’eau et c’est la rampante déshumanisation d’un système capitaliste individualiste, du chacun pour sa pomme, qui se dessine sous nos yeux, sans une parole. Un défilé des nationalités qui se proclament fières d’être européennes tandis qu’un pauvre Grec s’étouffe dans l’indifférence générale, et l’on ne peut s’empêcher de penser à l’insupportable calvaire de la Grèce, qui ne fait siller personne dans une Europe obnubilée par l’austérité. Chaque saynète renvoie avec un humour décalé à cette crise dont nous bassine les média dans un concert de banalités : un couple de cambrioleurs cède à la crise de nerfs en compagnie de policiers déprimés, le tout chez un couple qui finit par leur servir à tous une tasse de thé, pour s’épancher sur cette foutue époque médiocre.
On aimerait bien connaître le secret de Dominique Bréda qui réussit à transformer en crise d’hilarité les délocalisations, les dérives de l’ultralibéralisme, les conditions inhumaines de travail au Cambodge, une presse molle et défaillante en guise de contre-pouvoir. On y croise une jeune femme tellement individualiste qu’elle ne veut plus partager son lit avec son mari. On y croise même Dieu, pas tout à fait à la hauteur de la tâche. On vous en laisse la surprise. Et puis, cette chanteuse rock enflammée qui transforme un cours d’économie de marché pour les nuls en slam habité sur les riffs d’une guitare électrique. C’est enlevé, ironique, sardonique. On vit une époque formidable ! "
CATHERINE MAKEREEL
Mise en scène Emmanuel Dekoninck
Chorégraphies Bérengère Bodin
Avec Ahmed Ayed, Bruno Borsu, Fabian Finkels, Martin Goossens, Zoé Janssens, Ilyas Mettioui, Mathilde Mosseray, Taïla Onraedt, Camille Sansterre, Iara Scarmatto, Corentin Skwara, Gaël Soudron et Gentiane Van Nuffel
Création lumières : Thomas Vanneste
Une coproduction des Riches-Claires, des Gens de Bonne Compagnie, du Théâtre du Sygne et du Collectif Arbatache
Mardi 12 mars 2013,
par
Carole Glaude
(Personal) Crisis
C’est la crise, mes bonnes gens ! On le crie à tue tête, on en parle gravement à la télévision mais l’avait-on vraiment déjà décortiqué sur la scène théâtrale belge ? L’avait-on déjà roulée dans la boue et la dérision sans ménagement ?
Pas que je sache !
Et Dominique Bréda, qui n’est plus à présenter, n’a pas, cette fois-ci, raté son coup !
Alors que nous étions un peu plus mitigés face à Purgatoire qui avait pourtant fait l’unanimité, on peut dire qu’Aura Popularis ne nous a pas laissé de marbre.
Drôle, cynique mais surtout terriblement vraie, cette pièce nous parle comme rarement une pièce nous avait parlé. Car la crise, on baigne dedans, le chômage, on en a tous peur, l’avenir, il est pour tous plus qu’incertain... La mondialisation, la délocalisation, les licenciements, le catastrophisme médiatique, les voies impénétrables de la politique. On est tous touchés, on est tous préoccupés, on est tous blasés.
Voilà donc, en deux mots, pourquoi Aura popularis vous devriez aller voir - si tant est qu’on considère qu’on puisse rire de la crise, bien entendu... dans le cas contraire, il vaudrait mieux éviter. Simplement parce que tout le monde y trouve son compte.
Carole Glaude
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