« L’espace d’un implant gicalménique... moi je m’y engoufre, je m’y perds, je m’y personne. C’est cyclique, si clic, ça claque... »
Bienvenue au royaume de Tomassenko, cet endroit magique où l’on parle une langue étrange qui oscille entre borborygmes, grommelot, body drumming, onomatopées, beat box et articulations syncopées.
Trois musiciens hors pair vous invitent avec simplicité à partir avec eux dans cet univers un peu dingos où l’esprit vogue de comptines enfantines à chansons d’amour délavées, de musique d’objets à murmures tribaux. On appréciera surtout la douce dérision et l’humour décalé qui font de ce concert théâtral (ou devrait-on dire spectacle musical ?) un pur moment de poésie. Le texte surréaliste, composé par Olivier Thomas intrigue, étonne par son étrangeté, jongle avec la langue, détricote les mots et les met sens-dessus-dessous. Compilé en une mosaïque de tableaux auditifs et interprété par des musiciens presque clowns qui évoluent sur le plateau dans une charmante maladresse, il donne au spectacle des allures de délicieux bazar bizarre. On se délecte du ridicule des situations, on adore les trouvailles farfelues et les instruments biscornus, on déguste les quelques moments d’émotion sincère, où la musique à demi-teinte touche et émeut avec la grâce presque divine qui caractérise le quatrième art. Un voyage bariolé, tels sont les mots qui caractérisent au mieux l’Antifreeze. Car il s’agit bien de parler de couleurs dans ce spectacle pictural où le son devient image et atmosphère. Tout y est détourné, les genres se mélangent et se décloisonnent : l’écriture devient rythme, le rythme devient théâtre, le théâtre devient musique, la musique devient clarinette, guitare, ukulélé, mais aussi fantôme sonore, scie à bois, ou capteur dentaire.
Antifreeze solution est inspirée des trois derniers albums du groupe Tomassenko, particulièrement d’Organetta, leur sixième et dernier album, présenté lors de la Première, mardi dernier. L’assemblage mélange avec brio les différentes ambiances, en transbahutant le spectateur du franc éclat de rire au sourire attendri. Nous saluerons la performance des trois protagonistes qui, au travers de ce patchwork bigarré, rebondissent avec virtuosité d’une discipline à l’autre, tout en incarnant du début à la fin des personnages drolatiques, un peu naïfs voire par moments complètement zozos, mais toujours terriblement attachants. Olivier Thomas assume pleinement le rôle central et mène la barque avec simplicité et franchise dans un sympathique français d’entre Sambre et Meuse.
Profitons donc de ce petit rayon de soleil anti-gel pour réveiller les cœurs endormis, les imaginations bridées, et les créativités épuisées, jusqu’au 9 mars au petit Varia.
21 Messages