Frimant sur des musiques familières, Bruno Coppens fait apprécier ses qualités de danseur. Cette prestation est un test pour ce sexagénaire, qui se sent menacé par l’andropause. Les applaudissements devraient le rassurer. Mais le public n’est pas celui de Kev Adams... La peur du vieillissement guette aussi ces spectateurs mûrs. Ils ne demandent qu’à l’exorciser par le rire. L’humour noir de Coppens les ravit. Méfiez-vous des spas ! Un peignoir blanc, des mules, une nourriture suspecte, vous êtes dans l’antichambre de l’hôpital. Le commerce funéraire déborde d’imagination pour vous inciter à personnaliser votre enterrement. Pour distraire les octogénaires, des "octocars" les emmènent visiter... des cimetières militaires.
Bruno encaisse mal les coups de vieux. S’il ne prend plus le bus, c’est parce qu’il craint qu’un jeune veuille lui céder sa place. Lorsqu’il envisage un voyage à Madagascar, son fils le presse d’y aller en bateau. Une intransigeance écologique qui le fait "persona non Greta". Cependant il tient bon. Pas de procrastination, mais des réactions énergiques ! Pour entretenir sa musculature, il porte sur la poitrine une "abdogaine" et sur les fesses un "muscloslip". A ses risques et périls. Les bas de contention, en lui massant les jambes, lui donnent l’illusion de voler. Ce grand-père refuse d’être appelé "papy" ou "pépé", mais il est fier de sa progéniture et de ses spermatozoïdes. Une production bio qu’il est prêt à déposer à la banque du sperme, pour lutter contre la stérilité croissante, due aux pesticides.
Sa pugnacité a pris racine dans sa famille. Le moins baraqué des sept garçons, Bruno a dû se battre pour rivaliser avec ses frères. Taiseux, son père était incapable d’exprimer son amour pour ses enfants. Comme beaucoup d’hommes qui répugnent à dévoiler leurs sentiments. Par contre sa mère, qui a nonante-trois ans, est une femme intarissable. Lors d’excursions en car, elle se saisit du micro pour raconter des histoires de cul. La concurrence entre les humoristes est rude. Afin de garder sa place, Coppens pourrait se lancer dans le stand-up. Une parodie mordante montre que ce n’est pas son genre d’humour.
L’acteur ne nie pas certains troubles liés à l’âge. A un moment, il se surprend à répéter un texte qu’il a dit un quart d’heure plus tôt. Mais pas de quoi s’alarmer. Son dialogue avec le public semble avoir dissipé ses craintes. Il a de l’énergie à revendre et nous pousse à mordre dans la vie. Quitte à chasser les nuages noirs par une pirouette. Comme dans ce dernier voyage, vécu sur le tourniquet à bagages de l’aéroport. Bien décidé à rester lui-même, il continue à faire parler les mots tordus, qui parfois enflamment des délires poétiques. Les inventions lexicales sont moins envahissantes que dans les spectacles précédents. En revanche l’amoureux des mots prend la défense de certaines victimes. Il peste contre les coiffeurs qui s’acharnent sur "tif" ou sur "hair" pour identifier leur salon, se moque des expressions fumeuses, privilégiées par les intellos et plaint "confiance", un si beau mot devenu une marque de couches pour incontinents. Bruno Coppens est un comédien qui a acquis une grande maîtrise de la scène et du rythme à adopter dans les échanges avec les spectateurs. On passe en sa compagnie une excellente fin d’après-midi, d’où émergent des séquences désopilantes comme "la cinquième coloscopie" ou "la Belgique vue à travers un tableau célèbre". Une association inoubliable !
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