Quand as-tu commencé et quelles difficultés as-tu rencontrées ?
J’ai commencé à travailler sur "Purifiés" au mois de mai pour tout ce qui est administratif, casting, salle...et en septembre j’ai commencé le travail plateau avec les comédiens, qui a été intense jusqu’à maintenant.
J’ai surtout rencontré des difficultés financières et administratives, ainsi que pour me faire entendre. En tant que jeune metteur en scène étranger, il est difficile d’obtenir de l’aide matérielle ou un écho du milieu professionnel.
Humainement, financièrement, pour trouver des partenaires pour savoir où te produire... Avec ton école ?
Ce projet est complètement indépendant du Conservatoire de Mons.
Depuis ma première mise en scène il y a un an ("Vie et Mort de Pier Paolo Pasolini" de Michel Azama au Botanique), je n’ai eu aucune aide, ni financière, ni de piston. Je compte sur moi-même et mon très fort désir de travailler et d’avancer dans mon parcours théâtral.
Avoir le Salle Delvaux pendant un mois est vraiment une chance et je me suis battu pour pouvoir réaliser ce rêve de jouer 18 fois.
As-tu créé ta compagnie par facilité, par envie ? ...
"Purifiés" est ma quatrième mise en scène en un an et j’ai eu envie
d’officialiser un travail qui est en route et qui va continuer.
Comment as-tu trouvé les personnes que tu fais jouer ?
Il y en a certains avec qui j’avais déjà travaillé, et d’autres pas.
Pour "Purifiés" j’ai fait un casting, et c’est par là que j’ai rencontré les autres comédiens de la pièce.
Pourquoi elles et pourquoi rejouer souvent avec ces mêmes comédiens ?
Chacun de mes comédiens a une forte personnalité et c’est ce qui
m’attire quand je décide de travailler avec quelqu’un. Il doit y
avoir un désir mutuel de partager plusieurs mois de travail
ensemble, ainsi que dans le cas de "Purifiés", un amour des mots de
Sarah Kane, qui demandent une grande prise en charge et un
engagement à 100 pour cent.
Avec plusieurs mois de travail en commun, il y a une découverte
mutuelle, entre le comédien et le metteur en scène, et il y a
certains comédiens qui ont envie d’approfondir et de continuer un
parcours avec moi. Pour ma part c’est pareil, il y a des comédiens
avec qui j’ai envie d’aller plus loin, de creuser, et quand ces deux
désirs se rejoignent, nous décidons de repartir dans une aventure de
quelques mois.
Pier Paolo Pasolini a été créée dans le cadre d’un festival.
Parle-moi de celui-ci et du choix de Pasolini.
Pasolini est un artiste qui me touche profondément depuis des
années, ces oeuvres ont une force que peu d’artistes à mon égard
arrivent à toucher. "Vie et Mort de Pier Paolo Pasolini" de Michel
Azama que j’ai monté en janvier 2007 au Botanique, transmet les
questionnements et les interrogations artistiques de Pasolini
lui-même, plutôt qu’elle ne parle de ses oeuvres directement, et
c’est cela qui m’a plu.
Sarah Kane. Tu l’as montée l’an dernier, repris pour quelques dates
cette année, tu continues avec une autre de ses pièces et tu penses
déjà à créer Anéantis.
Pourquoi elle ? Ce qu’elle t’apporte, si tu te retrouves en elle ou
si ce sont juste des envies de mettre en scène ses écrits.
Quand je travaillais sur "4.48 Psychose" que j’ai présenté en mai et
en novembre, j’ai eu envie de d’approfondir l’exploration de cet
univers et le travail sur les textes de Sarah Kane, que je trouve
d’une force percutante. Elle a écrit toutes ses pièces entre 23 et
28 ans, et dans ce sens je trouve très fort de monter ses pièces en
ayant le même âge qu’elle avait. Il y a une jeunesse et un
engagement dans lesquels je peux me retrouver, même si en tant que
metteur en scène je prends une distance par rapport aux textes que
je monte, ce qui m’évite d’être dans l’admiration. Sarah Kane parle
pour moi de l’adolescence et la fameuse phrase de "Purifiés" de
Grace qui dit "Aime-moi ou tue-moi" résume assez bien son théâtre.
Derrière une apparence sombre de ses textes, je sens une fraîcheur
et un amour jeune qui rayonne dans "Purifiés".
Monter "Purifiés" après "4.48 Psychose" est une combinaison vraiment
intéressante, car après le resserrement de "4.48", "Purifiés", par
son écriture, me permet de travailler l’explosion et la multiplicité.
Dans "Purifiés" elle parle essentiellement de la quête d’identité,
entre autres par le double, et en cela, je crois que chacun peut y
retrouver des sensations vécues. Elle parle de la recherche de soi,
à travers ce qu’on aimerait être, ce qu’on n’est pas ou plus et ce
qu’on devient...
Sais-tu que Véronique Dumont va reprendre Psychose 4.48 dans le
courant du mois de mars ?
Oui je suis au courant et je serai content d’aller voir cette
comédienne que j’aime beaucoup dans ce texte que je trouve merveilleux.
A ton avis, pourquoi joue-t-on tant Sarah Kane depuis ces 4, 5
dernières années. Cela ressort-il d’un malaise de la société, de
quelque chose à exprimer...?
Sarah Kane de son vivant a été beaucoup "maltraîtée" en tant
qu’auteur ; La censure a failli être rétablie lors de la création de
sa première pièce "Anéantis". Je crois qu’elle marque par son
théâtre total, sans concessions. Je crois que les metteurs en scène
qui montent Sarah Kane aujourd’hui ont un désir de s’adresser aux
gens sans fioritures, d’une manière directe et viscérale. Ce qui ne
veut pas forcément dire choquante. Dans ma mise en scène de
"Purifiés", à aucun moment je ne fais des choix pour choquer. Je
cherche plutôt à inviter le public à sentir des émotions.
Toi, que veux-tu dire à travers tes mises en scène ?
Dans mon travail, je cherche avant tout à exprimer l’amour que j’ai
pour mon métier, et je choisis mes comédiens pour cet engagement-là
aussi. Sarah Kane me permet d’exprimer un profond espoir lié à une
révolte de l’inexprimable. Dans tout son théâtre elle parle de
l’impossibilité à exprimer son amour, à trouver des mots justes, et
le point culminant de cette impossibilité est bien sûr "4.48
Psychose" après quoi elle s’est suicidée.