La pièce est signée et interprétée par Maximilien Solvès et Christel Pourchet. Et ces deux comédiens, sont aussi bons que… les Émotifs anonymes, aussi généreux qu’une pêche miraculeuse. Les répliques sautent de partout, vous éclaboussent de bonheur, vous chatouillent l’esprit et le cœur. C’est du merveilleux théâtre aussi drôle que celui de rue, aussi intense que la source du verbe, aussi lumineux que le don du sourire !
Les voilà embarqués dans une inénarrable course poursuite, un slalom vertigineux entre les plus grandes scènes d’amour exhumées avec tendresse de la collection complète de l’histoire de la littérature française, du Moyen âge au 20e siècle. Un condensé de Lagarde et Michard live, ça vaut le déplacement, maintenant que les cours de français se trouvent formatés sur des fichiers pédagogiques en ligne.
Comme le désordre amoureux qui les anime secrètement - à chacun son audace ou sa timidité - les scènes sautent ingénument d’un siècle à l’autre, par simple analogie avec l’histoire frémissante qui débute entre les deux étudiants à la belle anatomie. A notre tour de refaire leur carte du Tendre. Pas un mot des titres, ou des têtes de chapitre pour vous allécher, juste les noms des auteurs qui se réveillent côte à côte dans une ronde folle … presque celles de la Saint-Jean.
Il y a Marius, Fanny, César, avè l’asseng, Hugo, Feydeau, Musset, Labiche, Racine dans un méli- mélo invraisemblable d’antiquité grecque et romaine, quel délice ! Alceste, bien sûr, non, Molière qui fête ses 400 ans d’anniversaire avec le patois savoureux de Charlotte, Mathurine et Pierrot, soufflé dans le Jeu de Robin et Marion. Mais ne te promène donc pas toute nue ! Et l’incontournable lettre de Cyrano qui arrache des larmes… Acte V scène 5. Oui, et Françoise Sagan. Nous attendions la cristallisation de l’amour dans Climats de André Maurois, Bof c’est pas du théâtre cela. Georges Sand ? Quand même ! Sans Chopin. Quelle incroyable dynamique !
On ressort du spectacle, comme d’un feu d’artifice, étourdi de bonheur, fervent admirateur de notre si belle langue française, si bien interprétée, si bien coulée entre toutes les époques, riche, chatoyante, bouleversante de beauté et d’émotion.
Tour cela pour le fond… mais la forme ? Pleine forme, créativité intense, imaginaire débridé - les décors précaires, presque inexistants comme au temps de Shakespeare - c’est du papillonnage fin et espiègle, des changements de costumes intelligents, du grand art des planches, une immense énergie dans un mouchoir de poche, un franche bouffée de vie théâtrale totalement bienvenue et rafraîchissante.
Metteur en scène : Barbara Castin, et tout cela pluri-joué à Paris depuis 2019… avec ou sans couvre-feux, quarantaines et autres barrières culturelles.