C’est dans les années 60-70 que l’art de la performance, art éphémère et de dénonciation qui dissocie l’œuvre de l’artiste a trouvé ses premiers théoriciens. On a tous à l’esprit le travail de Marina Abramović sur le body art. Les images diffusées en boucle des avions pirates s’encastrant dans les Twin Towers et les polémiques sur l’esthétique de la violence ont, à leur tour, mis en lumière les liens malsains entre la fictionnalisation marchande des infos et une certaine banalisation de la violence. Où commence l’exploitation du voyeurisme et où finit le devoir d’informer ?
Début décembre, le théâtre les Tanneurs lançait un appel à manifestation d’intérêt : « recherche des personnes ayant vécu un parcours de réfugiés pour participer à un spectacle « All inclusive » du metteur en scène et plasticien allemand Julian Hetzel. » Leur rôle ? Figurer les visiteurs d’une installation sur l’art contemporain. Ils découvriront « Escape » en même temps que le public, un lieu d’exposition où les œuvres d’art sont des espaces performatifs créés à partir de réels vestiges de zones de combat ramenés en Europe par Julian Tetzel : gravas d’immeubles syriens démolis, reproduction d’une statue sumérienne réalisée à partir des images diffusées par les islamistes lors de la destruction des sites archéologiques. Bojan Fuchs, la curatrice de l’exposition, admirablement interprétée par Kristien De Proost, explique que la vidéo de Daech est plus connue que l’œuvre originale, une façon de se réapproprier le patrimoine détruit par Daech n’en déplaise aux islamistes !
Sans parler de « To Dog to God » qui invite les participants à détruire des chiens en faïence dispersés sur le plateau. Chacun choisit celui qu’il préfère pour ensuite le réduire en miettes au marteau.
Crée en 2017 et présenté à la Biennale de théâtre de Venise dans un musée d’art contemporain, « All inclusive » a suscité pas mal de polémiques. C’est que la démarche de Hetzel met en lumière l’exploitation de la destruction par les musées dans un but évident de profit. Hetzel en tant que créateur de certaines œuvres de son spectacle ne s’en cache pas : il fait lui-même partie du processus.
Après une initiation aux maniement des armes, une œuvre originale sera créée par la mise à mise à mort fictive de la curatrice et la réalisation d’une toile en éclaboussures de sang façon Jackson Pollock, toile immédiatement mise aux enchères du public qui est doucement dirigé vers la sortie non sans un détour par le plateau transformé en boutique à souvenirs.
Un spectacle qui détricote l’art sans complexes et ose franchir les tabous. À voir.
Palmina Di Meo
Photo © Julian Hetzel