Abîme

Théâtre | Atelier 210

Dates
Du 24 au 28 mars 2015
Horaires
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http://www.atelier210.be
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+32 2 732 25 98

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Abîme

Deux corps pour raconter la mort… Comment accompagner quelqu’un dans la mort ? Y a-t-il un mode d’emploi ? Faut-il parler de la vie ou de la mort avec celui qui s’en va ? A-t-on le droit d’être agacé par la maladie ? Et… de le dire ? Certaines questions n’attendent pas de réponse pour tracer leur chemin. Dans cette performance poignante, la parole s’efface et laisse la place à deux corps fragiles qui se portent, se tirent, se traînent, s’entraînent en une sublime danse de vie et de mort. Des mots sèment la confusion, l’espoir, le déni. Le spectacle prend la forme d’un songe. Ou d’un grand cri. Par cette plume si particulière, Céline Delbecq aborde les questions qui dérangent. Les questions essentielles. Sans prendre de gants, mais sans provocation gratuite. De spectacle en spectacle, elle creuse son sillon et compte parmi les créatrices déterminantes de la nouvelle génération, chez nous et sur la scène internationale.
Chaque représentation (durée : 40’) s’accompagne d’une rencontre-débat animée par l’équipe de Palliabru, la plateforme des soins palliatifs de Bruxelles. Avec Céline Delbecq.
Avec Aurélien Van Trimpont, Charlotte Villalonga
Ecriture et mise en scène Céline Delbecq
Assistante générale Marion Hutereau
Composition musicale Aurélien Van Trimpont
Bande sonore Céline Delbecq, Aurélien Van Trimpont
Texte extrait de Vikim, Lansman 2013 Création Maison de la Culture de Tournai
Production Compagnie de la Bête Noire
Aide Centre des Ecritures Dramatiques Wallonie Bruxelles, Atelier 210, Rideau de Bruxelles, CED-WB, Maison de la Culture de Tournai, BAAT, Théâtre des Doms
Soutien Bourgmestre et échevins de la Commune d’Ixelles.

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Vendredi 27 mars 2015, par Bertrand Gevart

Requiem pour mon corps

Quoi de plus difficile que de parler de la mort lorsqu’il y a urgence à vivre. Penser le corps malade. Cette terrible difficulté d’être en présence d’un corps qui nous semble étranger. Voici la tragique réalité que la brillante Céline Delbecq dépeint à travers "Abîme". Un tableau cinglant et dense qui
relève des questions fondamentales sur l’existence.

Ce corps sur lequel l’Homme s’interroge est-il tout son être ? Dépeint-il sa réalité humaine ou bien n’est-il qu’un organe à sa disposition ? Existe-t-il une séparation irréductible entre esprit et matière ? L’interrogation de l’Homme sur son corps ne cesse de rencontrer cette difficulté permanente. La relation du corps au vouloir est dans ce va-et-vient, de la docilité à la maîtrise, impossible à définir parce que jamais réalisée une fois pour toutes. Au moment où le vouloir triomphe et domine, le corps n’est peut-être rien d’autre pour lui qu’un simple instrument. Mais il n’est pas improbable que l’on pense avec son corps. La maladie le démontre. Car lorsqu’elle intervient, le corps résiste : il prend une autre consistance que le vouloir ne connaissait plus. Il reprend ses droits ou se les arroge.

Le plateau accueille deux singularités. Deux performers danseurs dont les corps et esprits voguent en duo sur les planches. Un couple au cœur duquel l’homme est atteint d’une maladie incurable. Les deux comédiens nous font revivre leur histoire d’amour, la lutte avec la maladie, la mort comme délivrance. C’est tout en finesse que Céline Delbecq nous transmet les émotions à travers ces deux corps qui s’attirent et se repoussent, se désynchronisent dans une fragilité nous engouffrant dans les dimensions abyssales de la conscience où se cachent les effrois intimes des comédiens. La tension des deux singularités s’unissant est palpable à travers tout le spectacle, leur union est tangible et d’une fébrilité saisissante à travers les étapes de la maladie. Les mots valsent et dépeignent la métaphore d’une angoisse ambiante dont le poids devient de plus en plus lourd à porter. Successivement, le doute, le chagrin, la douleur physique laissent place à une atmosphère tragique mais empreinte d’espoir et de possible.

Le jeu d’acteur, sublime, met en exergue l’étrangeté et l’ambiguïté des deux protagonistes et renforce la peur de la perte de l’être aimé. La mise en scène suit l’évolution de la maladie jusqu’à l’intervention en hôpital. Agencé de manière très cinématographique, le spectacle offre paradoxalement une performance des corps comme expression de leur impuissance face à la maladie. Le corps de la femme soutient celui de l’homme. Les questionnements nous parviennent à chaque étape et sont d’une ordinarité effrayante. Nous sommes hantés par ces questions sans réponses face à une maladie sûre d’elle qui éloigne les deux singularités tout en les rapprochant sans cesse. Comment réagir ? Comment avancer ?

"Abîme" retrace l’histoire percutante d’un couple, de l’union incompossible de deux corps, l’un malade, abîmé par la douleur mais désirant vivre. Un spectacle d’une sensibilité saisissante, essentielle, grandiose. A ne rater sous aucun prétexte.

Bertrand Gevart

Atelier 210